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COMMENTAIRE HISTORIQUE

retourna trouver Monsieur d’Orleans, qui le retint encore je ne scay combien de temps en son equurie, estant soigneux de le faire bien instituer en tous les exercices que l’on a accoustumé d’apprendre à la jeunesse : ausquels, à raison de la disposition naturelle et du bon temperament qu’il y apportoit, il se rendoit excellent par dessus tous ses compaignons, fust à tirer des armes, ou à monter à cheval, à voltiger, à lutter, à jetter la barre... Monsieur d’Orleans qui voyoit la fleur de ceste vertu naissante, et l’esperance que ce jeune homme commençoit à donner de luy, delibera de ne le laisser en repos que le moins qu’il luy seroit possible, mais de le faire pratiquer et converser avecques les nations estrangeres, pour le rendre un jour capable d’estre employé aux belles charges auxquelles il sembloit que son instinct et sa nature l’appelloit, et à cette occasion l’envoyer en Flandres et en Zelande, et depuis luy donna encore une seconde commission pour retourner en Escosse, en la compagnie du Sieur de l’Assigny. » (Or. fun., éd. princeps, pp. 28 à 30). — Sur cette période de la vie du poète, du premier jusqu’au second retour d’Ecosse (octobre 1539 à fin avril 1540), v. ma Jeunesse de Ronsard, mars 1901, pp. 189-93.

P. 6, l. 13. — gentilhomme François. Ce nom de Lassigny n’est pas du tout une corruption de d’Acigné, comme le suppose Blanchemain (VIII, p. 8, note). C’est celui d’un gentilhomme qui connaissait déjà la Cour de Jacques V pour y avoir porté des dépêches vers le mois d’août 1538 ; ce fait nous est attesté par les comptes du Grand Trésorier d’Ecosse, qui mentionne un don de 400 livres fait par le roi à son visiteur (Francisque Michel, Les Écossais en France, I, p. 424). Un officier de ce nom est mentionné également dans les armées de François Ier et signalé trois fois parmi les combattants de Cerizoles (Martin du Bellay, Mémoires, Collection Michaud, V, pp. 529, 531, 535 ; voir encore pp. 139 et 455. — Enfin M L. Froger a eu l’obligeance de m’écrire : « Je crois avoir réussi à identifier le Lassigni avec lequel Ronsard fit naufrage en Ecosse. Il s’agit à mon avis d’un membre de la famille d’Humières. »

P. 6, l. 21 — des flots. Source, la suite de l’autobiographie :

Et depuis en Escosse, où la tempeste grande
Avecques Lassigni, cuida faire toucher
Poussée aux bords Anglois la nef contre un rocher.
Plus de trois jours entiers dura ceste tempeste,
D’eau, de gresle et d’esclairs nous menassant la teste :
A la fin arrivez sans nul danger au port,
La nef en cent morceaux se rompt contre le bord,
Nous laissant sur la rade, et point n’y eut de perte
Sinon elle qui fut des flots salez couverte.
Et le bagage espars que le vent secoüoit
Et qui servoit flottant aux ondes de jouet.


Cet épisode ne devait pas être un banal ornement pour un éloge de Ronsard ; aussi comprend-on qu’il lui ait consacré dix vers dans un poème destiné à renseigner son panégyriste Paschal. Mais un biographe devait-il y attacher tant d’importance ? Du Perron n’en a rien dit ; Velliard et Critton n’en ont presque rien dit. Binet est le seul qui ait cru devoir insister, sans doute pour introduire le rapprochement de Ronsard et d’Arion, qui d’ailleurs ne se soutient pas un instant.