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COMMENTAIRE HISTORIQUE

Dans le même Tombeau de Marguerite de France, Ronsard nous dit à propos de Henri II :

Je le servi seize ans domestique à ses gages.


Comme ce roi mourut le 29 juin 1559, Ronsard, d’après ce vers, serait entré à son service vers le 1er juillet 1543. D’autre part, comme il est entré au service du prince Charles en août 1536, et que, de cette date à celle de juillet 1543, Jacques V le retint deux ans en Écosse, c’est bien durant près de cinq ans que le prince Charles aurait été son maître. Les deux passages de Ronsard concordent bien entre eux et avec les dates extrêmes que je viens de rappeler ; mais l’assertion de Binet ne concorde pas avec eux.

Marty-Lav. a pensé que Ronsard quitta le service du prince Charles pour celui du dauphin Henri dès 1540, se fondant sur deux textes où le poète déclare avoir été page de Henri (Notice sur Rons., xvii). L’un de ces textes est extrait de l’Hymne de Henri II (Bl., V, 67), l’autre du Caprice (Id., VI, 327). Mais en les regardant de près et sans les isoler du contexte, on s’aperçoit qu’ils rappellent des souvenirs postérieurs à 1540 et même à l’avènement de Henri au trône (avril 1547). Et si Ronsard s’y est donné la qualité de page en parlant de l’office qu’il remplit auprès de Henri, dauphin ou roi, bien qu’il ait été « mis hors de page » en mai 1540, c’est simplement qu’il a abusé du mot, soit que ce mot entrât plus facilement dans son vers, soit qu’il exprimât mieux l’emploi vague de Ronsard à la cour de Henri, dauphin ou roi, soit enfin qu’il désignât à la rigueur, d’une façon générale, tous les écuyers subalternes occupés aux Ecuries royales de 16 à 25 ans. Dans tous les cas on ne peut conclure de là que Ronsard passa au service de Henri dès l’année 1540.

Quant à la rédaction de C, si elle n’est pas incohérente, elle est du moins très obscure. Je pense qu’il faut rétablir entre les deux propositions participiales la proposition principale « il sortit hors de page », qui contient un document important, emprunté d’ailleurs par Binet à Ronsard lui-même (autobiog.) et confirmé par Ant. de Baïf ; cette proposition, qui existait en A et en B, semble bien être tombée à l’impression de C. — Toutefois il se peut que Binet ait délibérément supprimé cette proposition, ayant découvert dans l’Hymne de Henri II un texte qui semblait la contredire : « J’ay, quand j’estois ton page, autrefois sous Granval... » (V. ci-après, pp. 82 et 83). Si cela est, Binet eut tort, car il n’y avait entre l’autobiographie et l’Hymne de Henri II aucune contradiction réelle, le mot page ayant été employé dans l’Hymne avec le sens très général de serviteur. Et encore ne devait-il pas laisser sa phrase ainsi dépourvue de proposition principale ; suspendue de la sorte, elle parut si étrange que dans les éditions postérieures on la souda à la phrase suivante, ce qui en altéra le sens et ne la rendit guère plus claire.

Bayle a bien vu la difficulté de ce passage, Dictionn., art. Ronsard, note D.

P. 7, l. 2. — disciplines. Du Perron, pour rendre la chose plus vraisemblable, dit que Ronsard « sejourna en Allemagne jusques à ce qu’il