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COMMENTAIRE HISTORIQUE

gères elle-même, qui appréhendait fort l’opinion et avait, suivant l’expression de son poète, « la peur d’infamie » ; témoin la démarche qu’elle fit auprès de Du Perron, le priant d’écrire une épître liminaire aux œuvres de Ronsard « pour monstrer qu’il ne l’aimoit pas d’amour impudique » (Perroniana, art. Gournay, Cologne, 1694, p. 178. Cf. Bl., I, 283 et 338 ; M.-L., Notice sur Rons., lxxiii).

P. 25, l. 40. — garde son nom. Voir le sonnet Afin que ton honneur ; les Stances de la fontaine d’Helene ; le sonnet Il ne suffit de boire, et l’élégie Six ans estoient coulez (Bl., I, 357-63 ; M.-L., I, 331-39). C’est au prieuré de Croixval que Ronsard a écrit ces vers exquis, en 1574 ou 1575. La fontaine d’Hélène a réellement existé, comme celle de la Bellerie ; mais tandis que la Bellerie était sur le territoire de Couture, à quelque cent mètres de la Possonnière, la fontaine d’Hélène se trouvait à quelques lieues de Couture, sur la commune des Hayes, dans la vallée de la Cendrine, en amont du prieuré de Croixval. J’en trouve la preuve dans le sonnet Il ne suffit de boire en l’eau que j’ay sacrée : Ronsard y parle du « pere Saint Germain, qui garde la contrée » ; or la fontaine de Saint-Germain, dont l’eau a une vertu curative toute spéciale et attire toujours des pèlerins, existe encore tout près de la propriété de Rocantuf, voisine de Croixval. Cf. P. Clément, Monographie de la paroisse des Hayes-en-Vendomois, pp. 39-40.

P. 25, l. 45. — et les suivans. Voici les vers en question :

Sic vos non vobis fertis aratra boves,
Sic vos non vobis nidificatis aves,
Sic vos non vobis mellificatis apes,
Sic vos non vobis vellera fertis oves.


On chercherait vainement ces pentamètres dans les œuvres de Virgile, car ils ne sont pas de lui ; c’est la Vita Virgilii de Donat (§ XVII), ou un interpolateur de cette biographie, qui les lui attribue (cf. le Virgile de Heyne, tome I, qui juge ainsi l’anecdote relative à ces vers : Ineptum grammatici seu monachi commentum). On les chercherait aussi vainement dans le Ronsard de Blanchemain ou celui de Marty-Laveaux. Binet dit que le poète les « fit mettre au devant des Amours et des Mascarades » : affirmation doublement erronée. Ces vers, qui n’apparaissent que dans les éditions posthumes de Ronsard, n’y sont pas au devant des Amours, ni au devant des Mascarades ; on ne les trouve qu’à la fin du tome V, qui contient les Eclogues et les Mascarades ; et encore n’en voit-on que trois en 1587 et en 1597, les deux derniers ayant été fondus à l’impression en un seul vers ridicule :

Sic vos non vobis vellera fertis apes.

D’ailleurs Ronsard avait tiré parti de ces vers latins dès les premières années du règne de Charles IX, dans le poème du Proces :

Ainsi les gros toreaux vont labourant la plaine,
Ainsi les gras moutons au dos portent la laine,
Ainsi la mousche à miel, en son petit estuy,
Travaille en se tuant pour le profit d’autruy
(Bl., III, 354) ;