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xv
INTRODUCTION

Grecs et depuis par P. de Ronsard[1] ; un Chant forestier ou Le Chasseur, au Seigneur Amadis Jamin. Cette dernière pièce, très remarquable par un vif sentiment de la nature, est une sorte d’églogue, où Perrot (Ronsard), assis dans un antre des bords du Loir, gémit sur l’absence de Cassandre. Elle ne renferme d’ailleurs aucune indication précise sur les rapports de Ronsard et de Binet ; tout ce qu’on peut en inférer, si elle n’est pas une pure fantaisie, c’est que Jamin fit inviter Binet à une partie de chasse soit à Vendôme ou à la Possonnière en 1571, soit au prieuré de Croixval en 1572[2]. Elle est immédiatement suivie de la Gayeté du Printemps, que Binet dédie A ses amis, et, bien entendu, ces amis, qu’il invite à aller se distraire à la campagne de Charenton, ce n’est ni Ronsard, ni aucun poëte de la Pléiade, pas même A. Jamin ; ce sont de jeunes étudiants comme lui, De Piennes, Landri, Gaiette, De Lorme[3]. Il n’ose encore dédier aucune pièce directement à Ronsard ; il se contente de rendre hommage à son génie[4].

De son côté Ronsard, naturellement, n’adresse alors aucun vers à Binet : ce n’était pas à lui de commencer. Bien mieux, les recueils et les éditions collectives qu’il publia de 1571 à 1584 ne contiennent pas trace de ses relations avec ce nouveau disciple. Si l’on en croyait Blanchemain et Marty-Laveaux, Ronsard aurait dédié à Binet son poème du Rossignol en 1573[5]. Il n’en est rien : ce poème, publié en 1569 sans dédicace au titre, était adressé à Girard, comme le prouvent les six derniers vers, et il ne changea pas de destinataire avant la première édition posthume[6]. Rien non plus à l’adresse de Binet dans les œuvres de Baïf[7], ni dans

  1. Voici la première : « Myron me façonna d’airain, | Un Ronsard me remit en vie : | De l’un je rens grace à la main, | Et de l’autre à la poësie. »
  2. Ronsard, obligé d’abandonner son prieuré de Croixval en 1570 et 1571, n’en obtint la rétrocession que le 23 nov. 1571 (Froger, Rons. eccl., pp. 40-41).
  3. Le volume se termine par quelques pièces de ses amis en vers latins et en vers français, mais aucune d’elles n’est signée d’un poète de la Pléiade. Pourtant la dernière de ces pièces loue Binet pour ses Epigrammes, comme Ronsard pour ses Odes, Tyard et Du Bellay pour leurs Sonnets, Jodelle pour ses Comédies :

    Mais, ô Dieu ! pour ce point combien, combien tu pousses
    A railler doctement tes Muses aigre-douces
    (Mon Binet) et combien ton Epigramme court
    Se feroit mesme entendre à l’homme le plus sourd.

  4. Sa complainte Sur le trespas de J. Grevin contient ce quatrain, qui, d’ailleurs, ne dut faire plaisir à Ronsard qu’à moitié :

    La gracieuse Olimpe et la belle Cassandre,
    L’une de mon Grevin, l’autre d’un grand Ronsard,
    Ne seront quant au nom reduites onc en cendre,
    En despit de l’effort du fauche-tout vieillard.

    Outre les noms que j’ai mentionnés parmi les destinataires de ces poésies, je relève encore ceux de Louis Des Masures Tournisien (sur son Eneide), de François de Belleforest, de François d’Amboise Parisien (sur sa Clion), de Jean L’Huillier Parisien.

  5. Œuvres de Ronsard, VI, 118 ; M.-L., Ibid., V, 455.
  6. Il s’agit, je crois, de Jean Girard, du Mans, sieur de Colombiers, « homme bien docte en grec et en latin », dit La Croix du Maine. Cf. H. Chardon, Robert Garnier, p. 125.
  7. Les seuls vers de Baïf à Binet qui nous soient parvenus datent du Tombeau de Ronsard (1586). Bl. VIII, 240-41 ; M.-L., Œuvres de Baïf, V, 283.