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INTRODUCTION

celles de Belleau, ni dans celles de Jodelle[1], ni même — ce qui est plus étonnant — dans celles de Jamin (1575).

Cependant Binet a écrit à l’occasion de la mort de Belleau (1577) une pièce en hendécasyllabes d’une importance capitale. Elle est dédiée à Ronsard, et c’est, à ma connaissance, la première qu’il lui ait dédiée. En voici le début et la fin, qui prouvent, même si l’on tient compte d’une certaine exagération juvénile, que Binet avait alors des relations amicales avec Ronsard et Belleau :

Petro Ronsardo.

Ergo mortuus est meus poeta
Bellaeus tuus et meus poeta ?
Ronsarde, optime Galliae disertae,
Ille molliculus poeta totus,
Mellitusque magis, magisque tersus,
Quam mel, quamque suo artifex in alveo :
Seu per gaudia rusticationum
Mille et delicias juval jocari,
Seu lubet posita severitate
Tot bella oscula dissuaviari.
O bella, ut solida esse non potestis !
Bellus mortuus est meus poeta,
Ille candidulus bonusque amicus,
Quo nil candidius amiciusque.
............
At Musae incolumem meum poetam
Ronsardum Aoniae arbitrum Camœnæ,
Mi servate diu, et suis amicis,
Ut qui Pleiadas antecellit unus,
His sit postumus et sibi superstes[2].

D’ailleurs Cl. Binet, de 1575 à 1579, dut se consacrer aux études de droit et au barreau plus encore qu’à la poésie. Il se fit recevoir avocat au Parlement de Paris, et c’est en cette qualité qu’on le retrouve aux Grands jours de Poitiers dans la deuxième moitié de 1579.

C’est de ce séjour à Poitiers que date vraiment pour Binet la notoriété. Introduit, à la suite des magistrats de la Cour parisienne, dans le salon de Mesdames Desroches mère et fille, prototype provincial de l’Hôtel de Rambouillet, il brilla en bon rang parmi les poètes qui chantèrent la puce aperçue un jour par E. Pasquier sur la gorge de Mlle Catherine[3]. C’est

  1. Le sonnet à Cl. Binet, que Marty-Laveaux a édité comme étant de Jodelle (II, 334), ne me paraît pas du tout authentique : il fait allusion au recueil de Binet de 1575, peut-être même à celui de 1583, tous deux postérieurs à la mort de Jodelle (juillet 1573).
  2. Petronii Arbitri Epigrammata... (1579), page 30. Sur ce recueil, voir ci-après, p. xvii. note 1. Il est probable que cette pièce figurait déjà dans le Tombeau de R. Belleau, (Lutetiae, apud M. Patissonium, 1577, in 4°)
  3. Sur cet épisode des Grands jours de Poitiers, voir E. Pasquier, Lettres, livre VI, nos vii et viii. Il nomme parmi les avocats parisiens, alors présents à Poitiers, qui prirent part à ce badinage poétique, l’avocat du roi, Barn. Brisson, puis René Chopin, Antoine Loisel, Jacques Mangot, Odet de Turnèbe, et Binet. Parmi les poètes « chante-puce » citons encore J. Scaliger, Nicolas Rapin, J. Courtin de Cissé, Scévole de Sainte-Marthe, qui était alors maire de Poitiers.

    Le recueil intitulé La Puce de Madame Desroches parut en 1583, à Paris, chez