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COMMENTAIRE HISTORIQUE

P. 29, l. 7. — gouttes ordinaires. La date que donne Binet du dernier séjour de Ronsard à Boncourt est corroborée par Velliard et Critton ; il y était au moment des fêtes de Pâques 1585. « superioribus paschalibus », dit le premier, « proximo superiori paschatis festo », dit le second. Cf. Du Perron, dont l’exposé relatif à la dernière année de Ronsard diffère sensiblement de celui de Binet : « Cependant ce dernier labeur[1] le reduisit à une telle extremité que, estant tombé malade de la goutte, à laquelle il y avoit deja quelque temps qu’il estoit sujet, il demeura dix mois continuels en ceste ville[2] perclus et arresté dedans un lict, avecques des douleurs qu’il est plus facile d’imaginer que de representer. Or ceste maladie lui ayant duré jusques aux premiers mois de l’année precedente[3], comme il veid que le printemps commençoit à revenir, et qu’il y avoit quelque esperance que le changement de saison et d’air luy pourroit ayder aucunement à recouvrer sa santé, luy qui estoit plein d’impatience de son naturel, n’eut pas le loisir d’attendre que le beau temps l’eust un peu remis pour se faire porter à un prieuré qu’il avoit en Vendomois, qui se nomme Croix-val, dependant de l’Abbaye de Tyron. Cependant vous pouvez penser combien l’agitation et l’ébranlement du coche apportoit de douleur à une personne disposée comme il estoit. Nonobstant toutes ces difficultés il arriva finalement à Croix-val. Aussitost qu’il y est arrivé, voilà les armes qui se levent par toute la France... Il est vray que ce premier feu ne dura pas longtemps... Les choses ne furent pas si tost pacifiées de ce costé là, que ce fut à recommencer de l’autre. Car voilà les armes entre les mains de ceux de la religion et le chasteau d’Angers pris pour eux, et leurs compagnies qui passent la riviere de Loire, et mettent tout l’Anjou et le Vendomois en alarme. Sur ces entrefaites Mr de Joyeuse arriva là, duquel l’expédition fut si heureuse... qu’apres avoir remis la place entre les mains du Roy.... il les estonna de telle sorte qu’il dissipa en moins de rien toutes leurs troupes... Mr de Ronsard qui ne sçavoit encore rien du desordre de ceste armée, et qui avoit seulement les nouvelles que toutes les forces de ceux de la religion venaient fondre en Vendosmois, prist l’alarme extremement chaude, pensant que c’estoit ceste guerre qui s’y venoit terminer : et comme il n’avoit aucune envie de tomber entre leurs mains, se resolut de desloger sur l’heure mesme, tout malade comme il estoit, et se faire rapporter en ceste ville[4] : là où si tost qu’il fut arrivé, le voilà plus cruellement traicté que jamais, avecques des douleurs estranges et insupportables, desquelles il fut affligé environ trois sepmaines ou un mois, ayant esté si rompu et si travaillé par les chemins, qu’il n’estoit pas possible de plus.

« Au bout de ce temps-là... il s’alla imaginer que c’estoit l’air de Paris qui luy estoit ainsi contraire, et qu’il falloit qu’il se fist reporter en Vendosmois, là où toutes choses estoient pacifiées et asseurées comme

  1. Il s’agit de la préparation de l’édition in-folio de ses Œuvres, qui fut achevée d’imprimer le 4 janvier 1584.
  2. C’est à-dire à Paris.
  3. C’est-à-dire de l’année 1585
  4. C’est-à-dire à Paris.