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ET CRITIQUE

a exprimé la même idée de la même façon dans un sonnet du Tombeau de Ronsard :

Homere gist d’Ios sur les celestes fleurs,
Virgile dans ton sein, Partenope sereine,
Et Ronsard sur la soye aux jardins de Touraine.
(Bl. VIII, 254.)

P. 33, l. 8. — que l’on en tire. La source de ce passage est le troisième sonnet des Derniers vers, dont voici les tercets :

Heureux, cent fois heureux, animaux qui dormez
Demy an en vos trous, sous la terre enfermez,
Sans manger du pavot, qui tous les sens assomme.
J’en ay mangé, j’ay beu de son just oublieux,
En salade, cuit, cru, et toutesfois le somme
Ne vient par sa froideur s’asseoir dessus mes yeux.
(Bl. VII, 313 ; M.-L. VI, 301.)

Du Perron dit de son côté : « ... Voyant qu’il ne reposoit nullement, et qu’il avoit tousjours les yeux ouverts et l’âme eveillée et sensible aux pointes et aux aiguillons de sa douleur, il fut contrainct pour charmer et conjurer la cruauté de son mal, d’avoir recours à un somme artificiel, et de se mettre à boire du just de pavot, lequel au lieu de luy apporter quelque ayde et quelque soulagement, luy engourdit tellement les fonctions naturelles, et luy refroidit si fort le sang et les esprits, qu’il tomba tout à faict en une atrophie et en un default de nourriture, de sorte que toutes ses extremitez ne recevoient plus aucun aliment ny aucune substance... » (Or. fun., édition princeps, p. 79.)

Ronsard, de tempérament neuro-arthritique, semble avoir eu des insomnies de très bonne heure, par suite de surmenage intellectuel et physique, témoin le Vœu au Somme (1550), le sonnet Quand le soleil (1552) l’ode Laisse-moy sommeiller Amour (1554). Il usa également de bonne heure de pavot pour combattre l’insomnie, témoin l’ode Cinq jours sont jà passez (1555), et l’élégie à Jamin, Couvre mon chef de pavot (1569).

P. 33, l. 11. — foiblesse du corps. Ce sont les cinq premières pièces des Derniers vers, savoir les stances J’ay varié ma vie..., et les sonnets i à iv (Bl. VII, 311 et suiv. ; M.-L. VI, 299 et suiv.). De son côté, Du Perron a écrit un long développement sur la force d’âme de Ronsard en ces heures douloureuses et sur les poésies qu’il dicta durant son dernier séjour à Croixval (Or. fun., pp. 80 et suiv. de l’éd. princeps) ; mais en ses trois ou quatre pages il est moins précis et moins exact que Binet en ses deux ou trois phrases : il ne dit pas que Galland était là pour recueillir les poésies dictées par Ronsard, ni quel fut leur nombre.

Dans sa première rédaction, celle qui fut lue le 24 févr. 1586 à la cérémonie funèbre du collège de Boncourt, Du Perron a fait venir Galland à Croixval dans le courant de novembre, tandis que Binet fait rejoindre le poète par Galland à Montoire dès le 30 octobre (et cela dans ses trois textes) ; puis il a raconté, comme ayant eu lieu à Croixval, une émouvante entrevue qu’auraient eue alors le poète et son ami. Mais dans sa deuxième rédaction, celle de 1597, Du Perron a passé sous