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COMMENTAIRE HISTORIQUE

confusion entre la Rhetorica de Talon, attribuée à Ramus, et la Rhetorique françoise d’Antoine Foclin, publiée en 1555, dont la dédicace « à Madame Marie Royne d’Escosse » contient les lignes suivantes : « ... J’ay traduit les preceptes de Rhetorique, fidelement amassez des livres des anciens Rheteurs Grecz et Latins, et rengez en singulier ordre de disposition par Omer Talon, homme non moins excellent en cét art, que parfait en toutes autres disciplines. A l’aveu et conseil du quel j’ay accomodé les preceptes de cét art à nótre langue, laissant toutesfois ce à quoy le naturel usage d’icelle sembloit repugner : adjoutant aussi ce qu’elle avoit de propre et particulier en soy, outre les Grecz et les Latins : et déclarant chacun precepte par exemples et tesmoignages des plus aprouvez autheurs de nótre langue, ce que fort methodiquement et ingenieusement je voyois avoir esté fait par le méme autheur en la Latine[1]. »

La confusion de Binet s’expliquerait d’autant mieux que cette Rhetorique françoise parut également chez A. Wechel, que Foclin (ou Fouquelin) était « de Chauny en Vermandois », par conséquent le compatriote de Talon et de Ramus, enfin que, parmi « les plus aprouvez autheurs de notre langue » auxquels Foclin a emprunté ses exemples, Ronsard figure au premier rang.

P. 43, l. 31. — medecin. Ce sonnet de la deuxième partie des Amours était en effet dédié à Grevin dans l’édition de 1560, et fut dédié à Patoillet (ou Patouillet) dans les éditions suivantes (cf. Bl. I, 208). On pourrait croire d’après l’exemple choisi par Binet qu’il a connu la première édition collective de Ronsard ; je ne le crois pas, pour ma part, car s’il en était ainsi, Binet aurait certainement profité pour sa biographie des précieux renseignements que contient cette édition. Il a simplement connu l’Olympe de Grevin, recueil de vers qui parut en 1560 avec le susdit sonnet de Ronsard comme liminaire, et il a remarqué la substitution du nom, en rapprochant le texte primitif de ce sonnet du texte des éditions de Ronsard de 1584 et de 1587, qu’il possédait.

C’est un fait bien curieux que cette substitution de noms propres dans les dédicaces des œuvres de Ronsard. Eut-elle toujours lieu « par bonne raison », comme dans le cas de Grevin cité par Binet ? Nous ne le chercherons pas ici. Remarquons seulement qu’elle fut bien plus fréquente que notre panégyriste ne semble le croire, et que son témoignage est quelque peu suspect, puisque, dans la première édition posthume, son propre nom s’est trouvé substitué deux fois à d’autres, et celui de son collaborateur Galland une fois.

Sans parler des noms d’amis littéraires que Ronsard changea dans l’intérieur de certaines pièces, telles que le poème des Isles fortunées de 1553, l’ode Nous ne tenons en nostre main de 1554, l’Hymne de Henri II de 1555 ; sans compter les nombreux sonnets d’amour qui ont changé d’adresse (quinze d’un coup ont passé en 1578 du second livre des Amours consacré à Marie dans le premier livre des Amours consacré à Cassandre), — voici quelques exemples de changements de dédi-

  1. Bibl. Nat., Rés. X. 2534. La réimpression de 1557 porte comme nom d’auteur Antoine Fouquelin.