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INTRODUCTION

littéraires, les goûts domestiques, le caractère de Ronsard, et porte un jugement général sur l’homme et l’écrivain. L’épître À Chr. de Choiseul qu’il mentionne, des vers inédits qu’il cite sur les maladroits imitateurs du Maître, la préface posthume de la Franciade et les Estrennes à Henri III dont il s’inspire sans le dire, la dédicace des Anacreontica de J.-C. Scaliger qu’il reproduit intégralement, les odelettes sur la forêt de Gastine et la fontaine Bellerie, quelques sonnets à Charles IX et à son frère François d’Anjou, peut-être aussi certaines pièces des Meslanges de Jamin, l’ont aidé à tracer ce portrait intellectuel et moral de Ronsard.

Tels sont les principaux documents écrits que Binet a utilisés, ou qu’il semble avoir utilisés pour sa première rédaction. Sa méthode fut des plus rudimentaires : elle consista à paraphraser ou à délayer certaines pages de la dernière édition des Œuvres de Ronsard, à résumer au contraire certaines autres en quelques lignes avec citation à l’appui, à reproduire des vers inédits adressés à Galland ou à lui-même, et, comme ornements plus que pour preuves, des épitaphes extraites des Derniers vers ou sorties de son cru, enfin des pièces latines de quelques admirateurs du poète. Dorat, Pimpont, Scaliger, le tout sans la moindre critique des témoignages. Cette méthode fut également celle de la deuxième et de la troisième rédaction, avec une différence aggravante toutefois, que Mlle Evers a très bien vue : tandis que pour sa première rédaction Binet a d’ordinaire indiqué ses sources, ou emprunté aux œuvres de Ronsard seulement des faits et des idées, en leur donnant une expression nouvelle, au point qu’il est parfois difficile de prouver le plagiat, dans les deux autres rédactions il a copié parfois la forme aussi bien que le fond, sans en avertir le lecteur ; il a pillé surtout certaines pages en prose que Ronsard avait retranchées de ses œuvres depuis longtemps et que par suite on pouvait croire vouées à un éternel oubli.

Nous avons vu que Binet remania sa Vie de Ronsard dans le même temps qu’il élaborait la première édition posthume des Œuvres. Aussi, cette fois, n’est-ce plus l’in-folio de 1584 qu’il consulta ; il prit pour base de sa documentation l’édition même de Ronsard qu’il était chargé de mettre au point et que sa nouvelle rédaction devait accompagner. C’est ainsi qu’il fut amené à changer en sept ans les cinq ans que Ronsard avait affirmé avoir passés sous la discipline de Dorat dans toutes les éditions publiées de son vivant. On trouvera dans mon Commentaire d’autres preuves de ce fait que la deuxième rédaction de la Vie de Ronsard est fondée sur l’édition de 1587[1].

Binet ne se contenta pas de corriger son texte primitif ; il l’amplifia de documents dus à une étude plus attentive des Œuvres de Ronsard et des papiers manuscrits qu’il avait à sa disposition comme exécuteur testamentaire. Pour la jeunesse du poète il trouva dans le Tombeau de Marguerite de France duchesse de Savoye certains détails qui lui permirent de compléter ou de rectifier les renseignements qu’il avait puisés d’abord dans l’Élégie à R. Belleau[2] ; il profita également de la Responce aux

  1. Voir pp. 60, 90, 98, 116, 126, 133 et passim.
  2. V. ci-après. Commentaire, pp. 73, 74, 77-78.