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INTRODUCTION

l’a présenté : Ronsard « prince et père de nos poètes » fut à ses yeux une sorte de Dieu, à l’égard de qui aucun éloge ne parut excessif. Si l’on considère les choses de ce point de vue, même les erreurs de notre biographe sont intéressantes, car elles montrent, pour la plupart, combien la gloire de Ronsard eut vite fait de créer une légende autour de sa personne et d’éclipser la renommée des plus grands poètes contemporains.


IV


Il me reste à donner quelques explications sur la méthode suivie dans cette réédition de la Vie de Ronsard. J’ai pris comme texte fondamental, ainsi que l’a fait Mlle Evers, et pour des raisons analogues, la rédaction primitive, celle qui parut en mars 1586. Elle ne vaut pas, à vrai dire, les deux suivantes en ce qui concerne l’abondance, les matières et la qualité de l’impression (je ne parle pas du sens critique : il fait défaut dans les trois rédactions). Mais elle leur est supérieure par ce seul fait que Binet n’a pas eu le temps de la gâter autant que les autres en cédant aux suggestions troublantes de l’admiration, de la reconnaissance, de l’ambition, de l’imagination et du faux goût. Ces causes d’erreur existaient bien déjà lors de la première rédaction, mais en deux mois elles firent moins de tort à la vérité qu’en un an, et a fortiori en dix ans.

Pour ce qui est de la disposition typographique des trois textes, je pense que Mlle Evers a eu tort de placer en second lieu le troisième et en troisième lieu le second. Malgré sa bonne intention de rapprocher le premier et le troisième texte pour mieux montrer le point de départ et le point d’arrivée de l’œuvre de Binet, les inconvénients de ce procédé sont très graves. 1° Cette disposition exige du lecteur un perpétuel effort pour se rappeler l’ordre adopté et ne pas confondre les variantes de 1597 avec celles de 1587. 2° Les variantes de 1587 étant répétées au bas de la page et éclipsées par celles de 1597, le lecteur peut croire à tout instant que l’édition de 1587 est insignifiante, ce qui serait très loin de la vérité. Cet inconvénient est surtout visible chaque fois que les additions de 1587 n’ayant pas été très sensiblement modifiées en 1597, Mlle Evers les reproduit in extenso dans les variantes de cette dernière date et se contente de déclarer au bas de la page : « Le texte est le même en 1587. » Rien ne peut fausser davantage l’opinion que le lecteur doit se faire de l’importance respective des trois éditions.

L’ordre qui s’imposait, croyons-nous, est l’ordre chronologique, car non seulement il n’offre pas ces inconvénients, mais il a l’avantage de mettre dans la lumière qu’elle mérite la première revision du texte primitif. Cet ordre n’empêche pas, d’ailleurs, de mesurer le chemin parcouru de la première à la troisième édition. Il permet au contraire de voir par quelle étape très importante Binet a passé de l’une à l’autre, et de mieux suivre l’évolution de sa pensée.

En outre, bien que Binet soit mort aux environs de 1600, je n’ai pas cru devoir négliger les variantes des éditions posthumes de la Vie de Ronsard, publiées à la fin des œuvres complètes du poète en 1604, 1609,