Heureux qui peut trouver pour passer l’avanture
De ce monde, un amy de gentille nature
Comme tu es, Galland, en qui les cieux ont mis
Tout le parfaict requis aux plus parfaicts amis.
Ja mon soir s’enbrunit, et desja ma journée
Fuit vers son Occident à demy retournée,
La Parque ne me veult ny me peut secourir :
Encore ta carriere est bien longue à courir.
Ta vie est en sa course, et d’une forte haleine,
Et d’un pied vigoureux tu fais jallir[1] l’areine
Souz tes pas, aussi fort que quelque bon guerrier
Le sablon Ælean[2], pour le pris du Laurier *
Il se fit mener à Croix-val, qui estoit sa demeure ordinaire, pour
estre un lieu fort plaisant, et voisin de la forest de Gastine, et de
la fonteine Bellerie, par luy tant celebrez *, et pour estre le pays
de sa naissance : mais[3] comme il aimoit à changer, au mois de
Juillet il se feit porter à son Prieuré de S. Cosme, y demeurant
huict ou dix jours pour retourner à Croix-val, où il sejourna assez
long temps. Le xxii du mois[4] d’Octobre il escrivit audit Galland[5],
et le sujet de ses lettres estoit, qu’il estoit devenu fort foible
et fort maigre[6] depuis quinze jours, qu’il craignoit que les feüilles
d’Autonne ne le veissent tomber avec elles, que la volonté de Dieu
fust faicte, et qu’aussi bien parmy tant de douleurs nerveuses, ne se
pouvant soustenir, il n’estoit plus que Iners terrae pondus (ce sont
ses mots) le priant[7] au reste de l’aller trouver, estimant sa presence
luy estre un remede *.
Quelques jours apres, comme la douleur luy augmentoit, et que ses forces diminuoient, ne pouvant dormir pour l’indigestion et grandes douleurs[8] qu’il sentoit, il envoya querir avec un Notaire le Curé de Ternay, auquel il deposa le secret[9] de sa volonté *, ouit la Messe en grande devotion, et s’estant | faict habiller premierement, [22] receut la saincte communion[10], ne voulant tant à son aise recevoir celuy qui avoit tant enduré pour nous, regrettant la vie passée[11] et
- ↑ C jaillir
- ↑ A Aelean
- ↑ A naissance : Mais | B naissance. Mais
- ↑ A Le xxii, du mois
- ↑ C au sieur Galland
- ↑ BC fort foible et maigre
- ↑ B il n’estoit plus qu’un inutile fardeau sur la terre le priant | C même var., avec virgule apres la terre
- ↑ C douleurs d’estomac
- ↑ C de Ternay, pour deposer le secret
- ↑ C receut la Chrestienne Communion
- ↑ C sa vie passée