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BUT DE CE LIVRE

propos que se posent de très graves questions sur la valeur de cet idéal, sa valeur absolue et surtout sa valeur relative au temps, à la race. On peut se demander, par exemple : Doit-on développer, chez les enfants, surtout l’instruction ou bien l’intelligence, surtout l’intelligence ou bien aussi la volonté, surtout la volonté ou bien aussi la force physique ? Doit-on, en d’autres termes, prendre comme idéal le type de l’intellectuel réfléchi et sédentaire, qui se développe par la culture des humanités et qui tend sans cesse à devenir un fonctionnaire, et plus tard un retraité ? Ou bien le type de l’homme d’action, du commerçant, de l’industriel, de l’agronome, et même du colon, l’homme plein d’initiative, qui ne compte que sur lui, et qui fait passer les résultats matériels de son activité avant les soucis de sa culture intellectuelle ?

Autre question, qui rentre dans la même catégorie, car elle met aussi en discussion un idéal d’éducation : Doit-on viser à développer surtout, chez l’enfant, les aptitudes sociales, comme l’habitude de la discipline, la recherche du groupement, la solidarité, le dévouement à des intérêts généraux, et une foule d’autres qualités excellentes qui sont du même genre, qui sont hautement sociales, ou bien doit-on, au contraire, favoriser tout ce qui donne l’essor à l’individu, à sa personnalité, à sa vie intérieure, c’est-à-dire le jugement personnel, le sens critique, l’esprit d’indépendance ?

Ces belles questions, qui ont à diverses reprises préoccupé l’opinion, ne font pas partie de notre programme, mais nous y ferons mainte allusion et, dès à présent, nous pouvons en dire ceci : si on veut qu’elles ne restent pas à l’état de formules vagues et banales, qu’on entoure de dissertations littéraires et d’homélies, il est nécessaire de réaliser deux conditions : il faut d’abord juger la valeur relative de ces