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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

un abus de la méthode orale, qui consiste à s’adresser uniquement à la fonction verbale, qui transforme toute leçon en exercices de langage, qui pose comme but à tout enseignement une leçon bien apprise et pouvant être récitée. Il est évident qu’on a commis là une erreur capitale ; l’enseignement a pour but de former des manières d’agir et de penser, et de fortifier ces manières en habitudes, afin de réaliser une meilleure adaptation de l’individu à son milieu ; l’école ne vaut que comme préparation à la vie ; tout enseignement est vain qui reste verbal, car le verbalisme n’est que du symbolisme, et la vie n’est pas une parole.

Un autre défaut de l’enseignement universitaire est de laisser le sujet passif, d’en faire un récepteur, comme une urne dans laquelle on verse de l’instruction ; il faut que l’écolier soit actif, que l’enseignement soit un excitant auquel il réponde par des actes, qui seront une modification, un perfectionnement de sa conduite, et qui attesteront qu’il s’est développé comme intelligence et caractère.

Et par-dessus tout, la dernière, la plus grave des questions que soulève l’examen des méthodes, consiste à mettre en balance le nombre d’heures, de jours, d’années qu’un enfant passe à l’école, assis sur un banc, et le profit qu’il en retire ; et il faut se demander si l’affaire est bonne pour lui, et si la quantité d’instruction et d’éducation qu’il a acquise compense le temps et la peine qui ont été dépensés. Évidemment, il y aurait là-dessus beaucoup à dire, et à critiquer.

Avec regret, nous sommes obligés de nous défendre ce domaine, car ce n’est pas le nôtre. Notre livre ne traite point des méthodes d’enseignement, du moins en général ; mais, de temps en temps, nous serons obligés, par suite de notre sujet, de faire des incursions dans l’analyse des méthodes, car il est difficile d’établir des frontières entre des questions qui sont bien solidaires les unes des autres.