Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

ceptible de développement. Toutes les fois qu’on a pris la peine de répéter méthodiquement un travail dont les effets sont mesurables, on a vu que les résultats s’inscrivent dans une courbe caractéristique qui mérite le nom de courbe du progrès. Si on apprend à se servir de la machine à écrire, le nombre de mots écrits par heure va croissant ; chez un sujet, par exemple, il a passé de trois cents mots par heure à onze cents, après cinquante-six jours d’exercice où l’on ne faisait qu’une séance d’une heure par jour[1]. Si on s’applique à barrer d’un trait noir certaines lettres dans un texte, la rapidité du travail augmente de telle façon qu’après deux cent cinquante épreuves journalières, espacées sur deux ans, la même quantité de travail qui demandait au début six minutes ne demanda plus que trois minutes[2]. Cette croissance est générale ; jusqu’ici, elle ne s’est démentie dans aucune expérience bien faite et il y en a des milliers de concordantes. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une croissance indéfinie et on ne peut pas croire non plus que son importance et sa vitesse soient indéterminées. Ce sont des progrès qui dans leur ensemble sont réglés par une loi d’une fixité remarquable ; les progrès d’ordinaire grands au début diminuent ensuite peu à peu ; ils finissent même par devenir insignifiants et malgré les plus grands efforts il arrive un moment où ils deviennent pratiquement égaux à zéro. À ce moment, on a atteint sa limite, car il y en a une, c’est incontestable ; elle varie de position suivant les personnes et pour chacune d’elles suivant la fonction considérée. Parfois il faut plusieurs années pour l’atteindre, et, de plus, les gains ainsi acquis peuvent persister pendant plusieurs années de

  1. E. J. Swift. Memory of Skilfull Movements, Psychological Bulletin, juin 1906.
  2. Bourdon. Recherches sur l’habitude. Année Psychologique, XVIII, 1902, p. 327. Pour une étude d’ensemble, consulter Thorndike, Educational Psychology, p. 80.