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L’INTELLIGENCE

repos ; Bourdon les a vus se conserver pendant sept ans. Maintenant, si l’on considère que l’intelligence n’est pas une fonction une, indivisible et d’essence particulière, mais qu’elle est formée par le concert de toutes ces petites fonctions de discrimination, d’observation, de rétention, etc., dont on a constaté la plasticité et l’extensibilité, il paraîtra incontestable que la même loi gouverne l’ensemble et ses éléments, et que par conséquent l’intelligence de quelqu’un est susceptible de développement ; avec de l’exercice et de l’entraînement, et surtout de la méthode, on arrive à augmenter son attention, sa mémoire, son jugement, et à devenir littéralement plus intelligent qu’on ne l’était auparavant, et cela progresse ainsi jusqu’au moment où l’on rencontre sa limite. Et j’aurais encore ajouté que ce qui importe pour se conduire de manière intelligente, ce n’est pas tant la force des facultés que la manière dont on s’en sert, c’est-à-dire l’art de l’intelligence, et que cet art doit nécessairement s’affiner avec l’exercice.

Voilà à peu près l’idée la plus scientifique que j’aurais pu trouver pour encourager les maîtres à l’éducation de l’intelligence de leurs élèves les moins bien doués, et, sans doute, avec ces considérations-là on arrive à considérer comme hautement probable le pouvoir de développer une intelligence. Mais ce n’est encore qu’une probabilité et nous voudrions bien avoir une certitude.


La création récente de ces classes pour enfants anormaux, dont je parle si souvent avec plaisir parce que j’y ai beaucoup appris, nous a apporté la démonstration, la certitude dont nous avions besoin. Ici, point de raisonnements discutables, mais des faits tangibles. Nous admettons dans ces classes des enfants qui ne sont pas seulement en insuffisance d’instruction, mais qui ont réellement l’intelligence débile, car pour