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LA MÉMOIRE

doivent appeler l’attention du maître. Les confidences des parents, et parfois quelque incident d’école, les signaleront à notre attention. Leurs devoirs et leurs leçons les trahissent aussi, à cause des inventions qu’on y trouve. On pourra en outre reconnaître ces types de menteurs inconscients en leur demandant des renseignements sur des faits qu’ils ne peuvent connaître que très mal. L’enfant doit s’habituer, quand il ne sait pas, à répondre : « je ne sais pas », et le maître, de son côté, doit bien se garder d’obtenir par suggestion une réponse fausse. L’enfant qui répond avec une précision inexacte, même quand il ne sait pas, doit être surveillé. Le maître lui rendra un grand service en le mettant en garde contre lui-même. Ce sont des services qui peuvent exercer une influence salutaire sur toute une existence. C’est tout simplement l’éducation du jugement. Après l’éducation de la volonté, je ne connais pas de tâche plus belle.

Je proposerai donc de reprendre une idée très juste, qui a été émise déjà par Claparède ; c’est d’instituer en classe, et surtout dans les classes supérieures des écoles et des lycées, des leçons d’observation. On préparerait d’avance avec soin un programme d’observations à faire ; et lorsqu’elles seraient terminées, on demanderait aux enfants soit un récit écrit, soit une déposition verbale sur ce qu’ils ont observé, ou bien on leur ferait répondre à des questions précises qui leur seraient posées par le maître, dans un interrogatoire ressemblant à celui d’un juge d’instruction. J’imagine que pour peu que le maître ait à la fois de ces deux qualités opposées qui s’appellent le bon sens et l’imagination, il saurait donner à ces exercices d’un nouveau genre un tour intéressant ; sans peine, il montrerait la facilité avec laquelle on se trompe, même lorsqu’on est certain de ne pas se tromper ; ce serait déjà une excellente leçon de prudence et d’esprit critique, pour tant d’enfants qui,