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Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/219

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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

d’ébriété même légère ne garde pas nettement le souvenir de ce qu’elle a vu et entendu pendant l’ivresse ; peut-être dira-t-on que c’est parce qu’elle n’y a pas fait suffisamment attention ; mais sa mémoire elle-même est affaiblie, et si on lui dit un chiffre en la mettant au défi de s’en souvenir le lendemain, quand son ivresse sera passée, il arrive bien souvent qu’on gagne son pari. Tous les excès produisent le même effet désastreux sur la fixation et la conservation des souvenirs ; une grande fatigue physique, un début de maladie grave, l’anémie, la chlorose ont des conséquences analogues.

Ce dont nous avons à nous préoccuper ici, c’est de choisir l’heure de la journée qui est la plus favorable à la mémorisation : cette heure n’est pas indifférente, car l’état de nos forces n’est point un état stable ; il varie d’une heure à l’autre, sans que nous nous en doutions. Toute une journée suppose une continuité de travail intellectuel, tantôt fort, tantôt faible, mais aussi constant que l’état de veille, et par conséquent la fatigue qui en résulte augmente régulièrement à mesure que la journée avance, et atteint son maximum à l’heure du coucher ; le sommeil, qui est un repos non seulement pour l’activité musculaire, mais encore et surtout pour l’activité consciente, répare la fatigue de la journée ; il suffit même à la réparer complètement quand la fatigue n’a pas été poussée jusqu’au surmenage ; et c’est dans les premières heures qui suivent le réveil que l’énergie de l’esprit est la plus grande. Ces vues théoriques sont confirmées par des observations et des expériences. Des observations, d’abord ; elles ont été faites surtout en interrogeant des littérateurs, et ceux-ci ont remarqué que c’est le matin qu’ils ont le plus de facilité pour écrire ; l’après-midi, ou le soir, on prend des notes, on observe, on fait des projets, mais le travail du style, qui représente souvent un effort considérable, ne se fait que dans