Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
LES APTITUDES

l’intelligence de certains paresseux, et ils constatèrent qu’une bonne partie de ceux qui n’étaient pas intelligents pour l’enseignement de la classe l’étaient pour les travaux manuels.

On nous a cité maint enfant qui reste entièrement passif en classe. Pendant qu’il fait semblant d’écouter le maître, son plumier, avec la serrure et les compartiments, son crayon, sa gomme, un objet quelconque ont pour lui un attrait fascinant ; sa pensée accompagne ses doigts qui palpent l’objet, étudient les contours, les arêtes, les propriétés physiques du bois et du caoutchouc. Cet élève a le premier rang à l’atelier ; son travail est fait dans la perfection ; s’il s’agit de pliage, de découpage, de croquis cotés, il présente un cahier de travail manuel irréprochable. Souvent il est le premier en dessin ; il a une belle écriture ; son cahier, constellé de fautes d’orthographe et de problèmes inexacts, est parfaitement beau ; les cartes de géographie et les illustrations en sont admirables.

« La fillette du même type a des dispositions marquées pour la couture, le ménage, la cuisine. Elle s’occupe parfois maternellement et spontanément des petites dans la cour. Elle est inintelligente pour l’orthographe, mais elle dépasse les autres en intelligence quand il s’agit de réussir un plat. »

L’instituteur qui a relevé ces observations importantes ajoute avec raison : « Il ne faut pas croire que nous avons affaire ici à des types dénués de toute faculté intellectuelle. Il faut beaucoup de qualités d’observation, de réflexion pour bien réussir l’ajustage de deux pièces de fer, pour bien exécuter une mortaise, pour bien reproduire sur le papier un modèle en relief ».

Ces constatations m’ont frappé à tel point que je me suis demandé si bien réellement il existe des enfants absolument inintelligents, c’est-à-dire dépourvus de toute espèce d’aptitude intellectuelle ; je suis