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LE CORPS DE L’ENFANT

essai. Nous ne fîmes pas déshabiller les enfants ; on se contenta de regarder leur tête et leur aspect général. Le tableau vivant que nous eûmes sous les yeux fut saisissant, à tel point que sur trente enfants, composés mi-partie de normaux, mi-partie de retardés, qui nous furent présentés les uns après les autres, sans qu’on nous apprît leur âge, nous ne nous sommes trompés que six fois ; dans les vingt-quatre autres cas, nous avons reconnu les retardés. Ce qui nous guidait surtout, c’était la vue d’ensemble, l’attitude du corps, la coloration de la peau du visage, la forme et l’expression des traits. De tout cela se dégageait une impression indéfinissable de misère physiologique.

Et ce qu’il y a de plus attristant et de plus grave, c’est que cette misère physiologique est l’expression d’une misère sociale, c’est-à-dire d’une misère autrement profonde, qui tient à la constitution même de notre société. Ici nous ne présentons pas de recherches entièrement personnelles, qu’on pourrait à la rigueur mettre sur le compte d’un milieu très spécial. Les résultats que nous avons obtenus sont, malheureusement, en harmonie complète avec ceux de tous les auteurs qui ont travaillé dans les écoles ouvertes au peuple. Et ces auteurs sont nombreux. Citons Burggraeve, Niceforo, Mac Donald, Schuyten, etc. Tous ont vu, comme nous l’avons vu nous-mêmes, qu’une grande, très grande partie des enfants qui ont un développement corporel au-dessous de leur âge sont des enfants dont les parents sont de condition pauvre et même misérable.

Il est facile d’établir rapidement dans une école primaire une statistique des enfants les plus pauvres, d’après la manière dont on les fait profiter de l’assistance. Cette assistance se traduit de deux manières, par une distribution de vêtements gratuits, et par une distribution de nourriture gratuite. Il est clair que ces