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VISION ET AUDITION

visualisation, alors on change de point de vue ; au lieu de synthèse, on fait de l’analyse ; au lieu du résultat, on cherche le procédé. Ceci est plus téméraire ; et sur ce point en particulier, nous sommes de l’avis de James. Quelles que soient les lacunes d’un esprit, on peut y suppléer par d’autres facultés, soutenues par une volonté opiniâtre ; on peut être dessinateur sans pouvoir visualiser. Sans paradoxe, nous irons même jusqu’à soutenir que le talent d’un individu est souvent fait de ses défauts autant que de ses facultés. Et ceux qui, en présence d’un grand talent, ont voulu l’analyser, ont éprouvé la même surprise qu’un chimiste qui mettrait un être vivant dans un creuset et après avoir chauffé n’y trouverait plus qu’un peu de cendre. Rappelons-nous ce qui est arrivé à ceux qui ont voulu décomposer le talent de Zola ; on a mesuré diligemment son attention, sa mémoire, son idéation, son raisonnement, et dans le résidu de ces analyses on n’a retrouvé ni son lyrisme, ni sa puissance de travail, ni son absence de goût, ni rien de ce qui caractérisait sa puissante personnalité littéraire.


II

l’audition


Il est aussi important pour un maître de connaître l’état de l’audition chez ses élèves que l’état de la vision, car une bonne partie de l’enseignement se fait par la parole, et à quoi sert une parole qui n’est pas entendue ou qui l’est mal ? Le devoir des maîtres est double : d’abord, ils ont à se préoccuper de leur propre manière de parler, qui n’est pas toujours bonne ; il faut que la voix ait une intensité suffisante, qu’elle ne soit pas trop rapide, que l’articulation soit bien nette, car c’est surtout par la netteté de l’articu-