Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/173

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à ce que dans le premier cas le sujet est obligé de diviser son attention, au lieu de la concentrer sur une seule main. Les études que nous faisons sur les mouvements volontaires sont donc, par plus d’un côté, des études psychologiques, et constituent une analyse de l’acte de volonté autant qu’une analyse d’un phénomène moteur. C’est ce que les observations qui suivent vont démontrer encore.

Il est utile, dans ces sortes d’expériences, de commencer par se soumettre soi-même aux épreuves qu’on fait subir aux sujets ; on peut ainsi se rendre compte des conditions mentales où l’hystérique se trouve placé. Si l’on essaye de mesurer le temps pendant lequel on est capable de conserver une pose fatigante, ou de presser sur le dynamomètre, on s’aperçoit tout de suite que ce temps est livré à l’arbitraire du sujet. En effet, en me prenant comme exemple, j’observe que, quand je presse le dynamographe, il se passe en moi des phénomènes très complexes, dont on n’a pas l’habitude de tenir compte. Si quelqu’un m’interroge sur ce que j’éprouve, je dirai peut-être que j’ai ressenti au bout de quelque temps un sentiment de fatigue qui m’a obligé à lâcher l’instrument. Ce n’est pas absolument exact ; la fin de la contraction musculaire n’a pas été amenée directement par la fatigue ; quand la fatigue s’est produite, j’ai réfléchi à la sensation douloureuse que j’éprouvais, et je me suis demandé si elle était suffisamment intense pour que je suspendisse mon effort ; j’ai délibéré sur ce point, j’ai réfléchi à la longueur de la courbe dynamographique ; je me suis proposé de résister encore pendant une demi-révolution du cylindre, etc. Après avoir délibéré, j’ai pris une décision, j’ai résolu de desserrer mes doigts ; c’est donc en définitive ma volonté qui a fixé le terme de l’état de contraction ; la fatigue et les autres motifs assez frivoles que je viens de signaler n’ont été que des causes indirectes ; la cause directe qui amène la fin de la contraction volontaire, c’est la volonté du sujet.

Je ne doute pas que des états de conscience analogues se