Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/182

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réponse écrite. Le sujet a la représentation consciente de son âge, il n’a pas conscience de ce qu’il écrit. Le processus psycho-moteur est conscient dans sa première moitié, subconscient dans la seconde.

Si on s’en tenait à ce qui précède, on pourrait croire que l’écriture automatique consiste dans de simples mouvements réflexes produits par des idées. Il sera facile de montrer l’insuffisance de cette interprétation ; en réalité, il y a dans toutes ces expériences deux pensées qui s’entrecroisent et collaborent l’une avec l’autre. Ainsi, le membre insensible ne commence à écrire, en général, que lorsqu’on a mis une plume entre les doigts. Tant que la main ne reçoit pas l’attitude nécessaire pour écrire, elle reste immobile, ou bien exécute des mouvements vagues, indéterminés, faciles à distinguer d’un mouvement graphique véritable. Chez quelques sujets, il est vrai, la main insensible écrit sans qu’on lui ait donné l’attitude nécessaire ; elle écrit, à défaut de plume, avec le bout de son index, ce qui exige un mouvement tout différent. Ainsi l’attitude imprimée au membre change la forme de la réponse. Nous avons vu déjà un fait semblable dans les mouvements subconscients qui répondent à une sensation également subconsciente[1]. Cette influence de l’attitude est une première complication du phénomène.

En voici d’autres, comme le montre l’ingénieuse expérience qui a été imaginée par M. Babinski, et qu’il a bien voulu me communiquer[2]. On demande au sujet, pris à l’état de veille, de penser à un chiffre ; puis on prend sa main insensible, et à son insu, par exemple derrière son dos, on lui soulève le doigt un certain nombre de fois ; quand on arrive au chiffre pensé, le doigt se raidit, et indique ainsi le chiffre à l’expérimentateur. Inutile de remarquer que ce résultat ne peut guère s’expliquer par un

  1. Voir p. 113.
  2. M. Babinski est arrivé d’une façon indépendante à observer plusieurs des faits que je vais maintenant décrire. Il en est de même pour M. Onanoff. (Arch. de neurologie, 1890.)