Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/50

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moyenne de son exercice dans les conditions normales de la santé.

« L’isolement dans lequel F… se trouve placé est donc la conséquence d’un trouble considérable apporté dans l’exercice de ses fonctions nerveuses. F… est un malade chez lequel l’innervation cérébrale perd momentanément ses attributs de sensibilité générale et spéciale qui mettent l’homme en échange incessant avec les choses extérieures. Il est atteint d’un trouble fonctionnel qui présente tous les caractères des névroses, et qui, bien que très singulier, très exceptionnel dans ses manifestations, n’est pas pour cela sans exemple et sans précédents dans l’histoire des maladies du système nerveux.

« Le trouble nerveux que présente F… ne se manifeste que par crises ou accès de courte durée, relativement à la période intermédiaire. Le premier de ces accès remonte aux premiers mois de 1871, alors que F… était encore prisonnier en Allemagne et hémiplégique du côté droit. À cette époque, les crises se répétaient à intervalles plus courts, et il en fut ainsi tant que la plaie du crâne resta ouverte, c’est-à-dire un peu plus d’une année ; à dater de cette époque, elles s’éloignèrent, et la période intermédiaire, qui était de cinq à six jours au début, devint, en moyenne, de quinze à trente jours. Depuis deux ans environ, elles ont conservé cette périodicité, à moins que quelques écarts de régime ou quelques excès du malade viennent en précipiter le retour. Quoi qu’il en soit, elles sont toujours semblables à elles-mêmes et marquées au sceau de l’activité inconsciente. Le début de la crise est précédé d’un malaise, d’une pesanteur vers le front, que le malade compare à l’étreinte d’un cercle de fer ; il en est de même de sa terminaison, car, plusieurs heures après, il se plaint encore de pesanteur à la tête et d’engourdissement. La transition de la santé à la maladie se fait rapidement, en quelques minutes, d’une manière insensible, sans convulsions, sans cris ; il saute de l’une à l’autre sans passer par les demi-teintes de jour et de raison, qu’on