Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/68

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les globes oculaires. On verra plus loin quel est l’état dans lequel on met en réalité le malade à l’aide de ce procédé.

« Deux jours après son entrée, le malade nous prie de vouloir bien l’hypnotiser, comme on avait déjà fait à Montpellier et ailleurs, parce qu’il ressent une certaine amélioration à la suite de ces sommeils provoqués. Nous déférons volontiers à son désir et, après l’avoir fait asseoir sur une chaise, nous répétons la manœuvre qu’il dit avoir été déjà employée dans ce but : l’occlusion des yeux avec une légère pression sur les globes oculaires.

« Au bout de quelques secondes, le malade présente des mouvements de déglutition et de régurgitation assez prononcés : on dirait qu’il va vomir, mais les vomissements ne se produisent pas. Bientôt les membres se raidissent légèrement ; ils sont étendus suivant l’axe du corps qui s’incurve un peu en arrière ; les membres inférieurs rapprochés l’un contre l’autre, le pied en extension forcée. Les membres supérieurs sont rapprochés du corps ; les avant-bras en pronation forcée ; la paume de la main en arrière et en dehors, les doigts fléchis. Le bras soulevé reste dans la position qu’on lui donne. Puis le malade est agité de quelques frissonnements et bientôt les membres redeviennent souples et le malade reste assis, calme, la tête un peu inclinée sur la poitrine, les yeux fermés, dans l’attitude de quelqu’un qui sommeille.

« Quelques instants après, le malade, les yeux toujours fermés, commence à réciter à voix basse des vers d’Horace ; à ce moment, nous lui crions dans l’oreille droite : « Des soldats ! » Le malade cesse sa citation d’Horace, et au bout de quelques secondes, après avoir prononcé entre les dents des paroles inintelligibles, il crie à haute voix, avec l’intonation du commandement : « En avant ! marche !… Par le flanc droit !… droite !… » Puis, il ouvre les yeux, et le regard fixe, comme porté au loin, les paupières largement ouvertes, le corps incliné en avant, le cou tendu, il paraît suivre avec une attention très vive quelque chose qui se passe à quelque distance.