Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/82

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Une dernière remarque sur les changements de personnalité que produisent les somnambulismes artificiels. Bien que l’idée qu’un individu se fait de sa personnalité ne constitue pas cette personnalité, mais n’en soit qu’un élément accessoire, il est intéressant de constater comment certaines personnes placées en somnambulisme se représentent leur état. Malheureusement, l’interrogation des somnambules ne provoque pas toujours une réponse satisfaisante, car bien souvent cette réponse est clairement dictée par des suggestions antérieures. On trouve par exemple des malades qui affirment qu’elles sont en somnambulisme ; elles répètent simplement ce qu’elles ont entendu dire.

Nous retiendrons seulement ce fait curieux que plusieurs personnes, lorsqu’elles entrent pour la première fois dans la vie somnambulique, éprouvent un sentiment d’étonnement ; elles trouvent que tout est changé ; quelques-unes disent qu’elles se sentent « drôles, bizarres » ; d’autres, parlant plus clairement, affirment qu’elles ne sont pas la personne de l’état de veille ; elles parlent de cette personne comme d’une étrangère. Nous en emprunterons un exemple à M. Pitres :

« Une jeune femme que j’ai pu étudier à loisir, Marguerite X…, présentait nettement ce phénomène. Quand elle était endormie, elle ne parlait d’elle qu’à la troisième personne : « Marguerite est souffrante aujourd’hui, disait-elle ; elle n’est pas contente ; elle a été contrariée ; il faut la laisser tranquille. — Mais qui êtes-vous donc, lui demandai-je un jour, pour parler ainsi au nom de Marguerite ? — Je suis son amie. — Et comment vous appelez-vous, s’il vous plaît ? — Je ne sais pas, mais j’aime beaucoup Marguerite, et quand on lui fait de la peine, cela m’attriste. »

« Dans cet état, elle reconnaissait toutes les personnes avec lesquelles elle était en relations quotidiennes ; mais elle ne leur parlait pas avec la même familiarité qu’à l’état de veille. Elle ne tutoyait plus ses parents. Son mari était