Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/83

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le mari de son amie Marguerite et non pas son mari à elle. Elle aimait beaucoup les liqueurs et s’en privait d’ordinaire pour ne pas contrarier sa mère. « Voulez-vous un verre d’anisette ? lui dis-je après l’avoir hypnotisée. — Oh ! oui, répondit-elle, cela me fera grand plaisir. Marguerite n’en boit pas parce qu’on le lui a défendu ; mais moi je suis libre. Donnez-moi vite un verre. »

Nous verrons à plusieurs reprises, dans des conditions différentes, une conscience se distinguer de la même façon, par le langage, des autres personnalités qui habitent le même individu ; il y a même là quelques questions psychologiques très intéressantes, sur lesquelles nous reviendrons quand nous aurons décrit un plus grand nombre de faits.


II


L’expérimentation, qui est à tant de titres inférieure à l’observation des faits spontanés, présente cependant un grand avantage ; multipliant et variant à l’infini les conditions de l’observation, elle permet de considérer un fait sous un grand nombre de faces, et elle fait parfois surgir des phénomènes nouveaux qu’une observation passive aurait vainement attendus. C’est un peu ce qui s’est passé ici. En mettant la main sur les états somnambuliques, les expérimentateurs sont arrivés à découvrir quelques phénomènes extrêmement instructifs, dont on n’a aucune idée en lisant par exemple l’observation des somnambules naturels, et qui cependant doivent exister chez les malades de cet ordre.

Nous avons vu la séparation des deux existences psychologiques qui constituent, l’une la vie normale, l’autre le somnambulisme ; nous avons vu également que lorsque la vie normale se développe, tous les souvenirs du somnambulisme sont pour un moment effacés. Que devient donc cette existence surajoutée pendant cette éclipse tem-