Mme MENNESSIER-NODIER
Le nom de Charles Nodier fut un des premiers noms qui éveillèrent mes jeunes sympathies. C’était une imagination qui me plaisait à moi, nourri de Bernardin de Saint-Pierre et de Charles Bonnet. Et son style me paraissait merveilleusement adapté au genre d’études et de sentiments que je lui supposais.
Nous étions aux premiers jours du dix-neuvième siècle, à ces jours d’espérance et d’heureux pressentiments qui succédaient immédiatement à des jours si affreux, Nodier et moi, inconnus l’un à l’autre, nous vivions dans des lieux bien éloignés, dans des habitudes bien différentes. Je recueillais ses rares écrits et ses articles de journaux : je les lisais avec une sorte de prédilection devinatrice, et son nom sonnait à mon oreille comme une expression toute romantique. Lui, de son côté, saluait de loin mes premiers et informes essais.
Ce n’est pas que Nodier m’ait devancé dans la vie ; au contraire, je le crois plus jeune de très peu d’années ; mais toute ma première jeunesse avait été employée à souffrir ; et à cause de cela, je n’ai jamais eu d’âge.