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Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/284

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et de les pénétrer, de les approfondir. Pour lui, pas de théorie générale, de système ni de méthode. La curiosité pratique le dirige. Il en est, pour ainsi dire, à la bota¬ nique d’avant Jussieu, d’avant Linnée, à la botanique de Jean-Jacques. Ainsi, toute rencontre de société, toute personne devient pour lui matière à remarque, à dis¬ tinction ; tout lui est point de vue qu’il relève. Son amu¬ sement, sa création, c’est de regarder autour de lui, au hasard, et de noter le vrai sous forme concise et pi¬ quante. Un individu quelconque, un fâcheux, un insi¬ gnifiant, passe, cause ; on l’observe, il est saisi. On lit un livre, dès la préface on en tire la connaissance de l’auteur, on entre dans sa pensée ou on la contredit ; à la vingtième page, que de réflexions le livre a déjà fait naître ! l’esprit a presque fait son volume à propos de celui-là. La critique littéraire n’est jamais pour l’esprit moraliste qu’un point de départ et qu’une occasion. —On assiste à la représentation d’une pièce de théâtre ; que de contradiction aussi ou de développement on y ap¬ porte! On ne se dit pas seulement : «Gela est bon ; « cela est mauvais ; je suis amusé ou ennuyé. » On refait, on converse en soi-même ; on revoit en action les carac¬ tères, non pas au point de vue de la scène, mais selon le détail de la réalité ; Tartufe suggère Onuphre. Le mo¬ raliste va ainsi, avec intérêt, mais sans hâte, au fur et à mesure, sachant et annotant quantité de choses sur quantité de points. Quant au lien général et aux lois mé¬ taphysiques, il ne s’y aventure pas ; il est plus de tact que de doctrine, particulièrement occupé de l’homme civilisé, de l’accident social, et il s’en tient dans ses énoncés à quelques rapprochements pour lui manifestes, sûr après tout que les choses justes ne se peuvent jamais contrarier entre elles. La Bruyère me semble le modèle excellent du moraliste ainsi conçu. De nos jours je ne