Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/133

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de grandes difficultés, tant à cause de la guerre avec la France que de celle entamée avec la république des Provinces-Unies, guerre dont rien encore ne faisait présager le terme. Aussi semble-t-il que le roi avait conçu, dès lors, le projet de séparer les Pays-Bas de la monarchie espagnole et de leur donner un souverain indépendant. Albert ne quitta l’Espagne qu’avec l’assurance qu’on mettrait à sa disposition l’argent et les troupes nécessaires pour tenir tête aux Français et aux Hollandais. Afin de se faire mieux accueillir du peuple qu’il allait gouverner, il tenta de grands efforts pour obtenir la mise en liberté de Philippe de Nassau, fils aîné du Taciturne, ainsi que la restitution de ses biens ; il inaugura donc ses fonctions par un acte de bienveillance en faveur d’un des hommes les plus considérables des Pays-Bas. Ce fut en février 1596 que le comte de Fuentes, gouverneur général de nos provinces, se rencontra à Luxembourg avec l’archiduc et lui remit l’autorité dont il avait été investi. À son entrée à Bruxelles, il fut reçu triomphalement par la population entière. À peine arrivé, il s’occupa de concentrer ses forces pour combattre les Français. Chef d’une puissante armée et muni de sommes suffisantes pour payer des soldats, jusqu’alors mal récompensés, Albert commença ses opérations militaires par la prise de Calais, Ardres, Ham et Guines, quatre places dont Henri IV appréciait toute l’importance. Amiens ne tarda pas à avoir momentanément le même sort. Mais la paix de Vervins, conclue le 2 mai 1598, vint enfin mettre un terme à ses exploits, et c’est à la suite de cet acte mémorable que la séparation des Pays-Bas d’avec l’Espagne fut résolue. Le 6 du même mois, Philippe II renonça, à Madrid, à tous ses droits sur ces contrées et sur la Franche-Comté en faveur de sa fille l’infante Isabelle, qu’il unit en même temps à son neveu, afin d’appeler conjointement les deux époux à la souveraineté de nos provinces. Albert fut relevé de ses vœux ecclésiastiques et autorisé par le pape à contracter un mariage qui pouvait assurer enfin le repos et le bonheur des populations belges. À défaut de progéniture issue de cette union, nos provinces devaient retourner à l’Espagne. Pour des esprits prévenus ou clairvoyants peut-être, cette clause semblait être le résultat d’un calcul machiavélique : l’âge relativement avancé de l’infante, son extrême austérité, enfin la première condition d’Albert qui, quoique relevé de la prêtrise aux yeux du monde, n’en continuait pas moins à observer ses vœux de chasteté ; tout, en un mot, devait empêcher, prétendait-on, les premiers souverains de la Belgique d’avoir une descendance directe. Nous ne rapportons ces conjectures que sous toute réserve, car la haine des partis n’y était point étrangère ; mais quoi qu’il en fût, la domination espagnole, grâce à ce mariage, devait au moins, pendant quelque temps, disparaître de notre sol. Aussi les Belges se livrèrent-ils avec transport à l’espoir de jours meilleurs. L’idée de jouir enfin de l’autonomie nationale fit taire toutes les autres préoccupations. D’ailleurs le mérite bien connu du prince, son origine flamande, sa haute prudence, étaient de nature à inspirer promptement de la confiance et de la sympathie aux populations.

Après avoir obtenu la dispense de ses vœux, l’archiduc alla déposer sur l’autel de Notre-Dame de Hal son chapeau de cardinal et prit résolùment les rênes du gouvernement.

Le 13 septembre 1598, Philippe II vint à mourir. Cet événement répandit une teinte sombre sur le mariage d’Albert et d’Isabelle, qui s’était accompli par procuration à Ferrare, en présence du pape Clément VIII. Le 7 juin 1599, l’archiduc, qui était allé prendre son épouse en Espagne, s’embarqua avec elle à Barcelone pour se rendre dans ses nouveaux États. Les réceptions officielles commencèrent sur les frontières du Luxembourg, et les archiducs firent leur entrée solennelle à Bruxelles, le 5 septembre 1599, après que le cardinal André d’Autriche (voir ce nom) leur eut remis, à Hal, ses pouvoirs comme gouverneur général ad interim des Pays-Bas.

Notre intention n’est point d’entrer dans la description détaillée des événements du règne des archiducs, règne ré-