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lande, débarqua à Flessingue le 10 février 1582. Neuf jours plus tard, il était solennellement inauguré à Anvers comme duc de Brabant. Le mois suivant, il se rendit à Gand, où il fut reconnu et salué comme comte de Flandre. François de Valois, disons-le, était un méprisable souverain ; il avait, selon les expressions du roi de Navarre, « le cœur double et malin et le corps mal basti », et, de même que Henri III, il s’entourait de mignons dont il suivait aveuglément les détestables conseils. Le duc, mécontent des conditions qui lui avaient été imposées à Plessis-lez-Tours, n’était que trop disposé à violer ses serments. Il résolut de s’emparer des principales places du Brabant et de la Flandre, d’y mettre des garnisons françaises et d’imposer ensuite aux états généraux le système du bon plaisir. Le 16 janvier[1] 1583, vers la même heure, les Français, dispersés dans les principales villes, se mirent en mouvement ; mais presque partout ils furent prévenus et désarmés. Le duc s’était réservé Anvers, et il tenta effectivement de s’emparer de la capitale des Pays-Bas. Il était à la tête d’une nombreuse et vaillante armée ; il méprisait la bourgeoisie qu’il se proposait d’asservir ; il entra dans Anvers comme dans une ville prise d’assaut. Les bourgeois s’armèrent, combattirent héroïquement contre les bandes françaises, et celles-ci furent décimées et repoussées. Elles se retirèrent en désordre jusqu’à Termonde, puis elles gagnèrent Dunkerque et finirent par évacuer le territoire belge. Malgré la honteuse déloyauté du duc d’Alençon, Guillaume d’Orange, qui espérait entraîner la France dans une guerre avec l’Espagne, conseillait aux états généraux d’oublier le passé et de se réconcilier avec le frère de Henri III. Les états généraux, surmontant leur répugnance, se décidèrent enfin à envoyer des députés en Champagne, où leur ancien souverain s’était retiré ; mais lorsque ces plénipotentiaires arrivèrent à Château-Thierry, ils trouvèrent le duc d’Alençon à l’agonie. Il mourut à vingt-huit ans, le 10 juin 1584 « d’un flux de sang, dit le Journal de l’Estoile, accompagné d’une fièvre lente qui l’avait petit à petit atténué et rendu tout sec et étique. » Le corps de l’avant-dernier des Valois fut transféré à Paris, où Henri III lui fit célébrer de magnifiques obsèques en l’église de Notre-Dame.

Th. Juste.

ALÈNE (Sainte), HALÈNE ou HÉLÈNE, née à Dilbeek, morte à Forêt (Vorst ou ter Vorst), vers 640. Au milieu du viie siècle, le Brabant était encore plongé en grande partie dans les ténèbres du paganisme. Bruxelles n’était alors qu’un petit hameau, confiné dans un îlot de la Senne, et dans ses environs s’étendaient déjà les villages de Forêt et de Dilbeek. Ce dernier, entièrement païen, dépendait d’un seigneur nommé Lévold. Ce fut vers cette époque que saint Amand, prêchant l’Évangile, vint s’arrêter quelque temps à Forêt.

Une vieille légende rapporte que Lévold, chassant un jour dans les bois, arriva par hasard à Forêt, et assista, par curiosité, à une instruction de saint Amand. De retour chez lui, il raconta, en raillant, à sa famille, la nouvelle doctrine qu’il avait entendue et les cérémonies chrétiennes dont il avait été témoin. Tout le monde en rit, excepté sa jeune fille, nommé Alène, qui entrevit dans les paroles de son père un premier rayon de lumière et les germes d’une morale inconnue qui plaisaient à la pureté de son cœur. Résolue de connaître toute la vérité et de voir l’homme extraordinaire dont son père avait parlé, elle alla trouver saint Amand, qui prêchait dans le voisinage. Le saint la reçut avec bonté, l’instruisit dans la foi et lui donna, après quelque temps, le baptême. Il existait déjà à cette époque, à Forêt, une église chrétienne, Alène s’y rendait parfois ; mais elle ne put le faire longtemps sans éveiller les soupçons de son père, qui la fit surveiller par ses serviteurs. Un jour qu’elle revenait de Forêt, ils la surprirent dans le bois, et, persuadés qu’elle sortait de l’église chrétienne, ils l’accablèrent de tant de mauvais traitements, qu’elle expira entre leurs mains. La mort de la jeune fille ouvrit les yeux du père ; il alla trouver saint Amand, pleura longtemps sa fille et, transformé

  1. ERRATA ET RECTIFICATIONS DU Ier VOLUME : au lieu de : 16 janvier, lisez : 17 janvier.