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du Physiologus de Théobald, et dédia son œuvre à l’épouse du roi Henri, ainsi qu’il le dit en ces vers :

Philippe de Thaün
En franceise raisun
Ad estrait le Bestiaire,
Un livre de grammaire,
Pur l’onur d’une gemme
Ki mult est bele femme ;
Aeliz est nomée,
Roïne corunée,
Roïne d’Angleterre.
Sa ame n’ait ja guerre.
En ebreu, en verté,
Est Alix laus de Dé.

Un troisième poëte, qui mentionne avec une sorte de déférence intime la princesse brabançonne, fut le trouvère normand Geoffroi Gaimar, à qui nous devons une chronique rimée sous le titre de L’Estorie des Engles, et qui fut probablement attaché à la cour d’Angleterre, comme il le fut plus tard à la maison de Raoul Fitz Gilbert, seigneur de Scampton en Lincolnshire. C’est à lui qu’Alix commanda un poëme à l’éloge du roi son époux. De cet éloge un Normand pouvait se charger sans scrupule. Le poëme lui-même nous ne le connaissons point ; mais ce fut sans doute un de ces rhythmes que les trouvères du moyen âge avaient coutume de réciter en les accompagnant d’une sorte de mélopée, puisque, selon le témoignage du poëte, il lui fut enjoint par la reine d’en noter par chant le premier vers :

Or, dit Gaimar, s’il ad garant,
Del rei Henri dirat avant.
Que, s’il en volt un poi parler
E de sa vie translater,
Tels mil choses en porrad dire
K’unkes Davit ne fist escrire,
Ke la roïne de Louvain
N’en tint le livre dans sa main.
Ele en fist fère un livre grant,
Le primer vers noter par chant.

Le mariage d’Alix avec Henri demeura stérile, et cette circonstance devait bientôt faire naître les plus graves complications.

L’empereur Henri V, étant mort le 22 mai 1125, sa veuve Mathilde revint auprès de son père à Windsor, et dès lors la jeune reine vit se ranimer quelque peu sa solitude. Aux fêtes de Noël qui suivirent, le château royal offrit un de ces spectacles solennels comme la chevalerie d’outre-Manche n’en avait admiré depuis longtemps. On y vit arriver tous les comtes et les barons du royaume et du duché, avec écuyers et pennons, puis tous les prélats de Normandie et d’Angleterre, avec chapelains, crosse et mitre. Le roi les avait convoqués pour les inviter à jurer fidélité à sa fille Mathilde et à lui obéir, après la mort de son père, comme ils eussent fait à lui-même. Tous prêtèrent ce serment, et l’un des premiers fut Étienne, fils du comte de Blois et d’Adèle, fille de Guillaume le Conquérant. Un an et demi plus tard, à la Pentecôte de 1127, une autre cérémonie royale s’accomplit à Rouen. Henri mariait en secondes noces sa fille Mathilde à ce Geoffroi, fils de Foulques, comte d’Anjou, à qui l’on donna le surnom de Plantagenêt, parce qu’il avait l’habitude de porter à son chaperon une branche de genêt en guise de plume. Croyant suffisant le serment prêté à son héritière à Windsor, il eut l’imprudence de procéder à cette union sans avoir préablement consulté les seigneurs au moins pour la forme ; et cette infraction aux usages féodaux devait amener, dans un avenir prochain, la commotion la plus profonde dans le royaume. À la vérité, lorsque Mathilde, ayant donné, en 1133, le jour à un fils, le roi convoqua une seconde fois les barons et les prélats d’Angleterre et de Normandie, et les requit de reconnaître pour ses successeurs les enfants de sa fille, après lui et après elle ; — ils le jurèrent de nouveau. Mais deux ans après, en 1135, Henri mourut dans son duché continental, à Saint-Denis-le-Formant d’où il fut transporté en Angleterre pour être inhumé à Reading, non loin de Windsor. Alors, qui le croirait ? on vit tous ces mêmes seigneurs, hommes d’épée et hommes d’Église, qui s’étaient engagés par serment à reconnaître et à soutenir la royauté de Mathilde et de ses enfants, se parjurer et conférer la couronne à Étienne de Blois.

Depuis le moment de cette usurpation, Alix disparut pour quelque temps de la scène de l’histoire. Probablement elle se retira dans son château d’Arundel, où nous la retrouvons un peu plus tard. Ce fut là peut-être que, d’après un chroniqueur normand, elle épousa en secondes