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sent en être informés, retirer les soldats de leurs quartiers pour les joindre à ceux de Cicéron ou de Labienus, dont l’un est à la distance d’environ cinquante mille pas et l’autre un peu moins éloigné. Je vous promets, je vous fais le serment de vous livrer un libre passage sur mes terres ; en le faisant, je crois tout à la fois servir mon pays, que votre départ soulagera, et reconnaître les bienfaits de César[1]. »

Dans un conseil de guerre, convoqué immédiatement après le retour des députés, le langage habile d’Ambiorix devint l’objet d’un débat tellement animé que les soldats eux-mêmes ne tardèrent pas à être mis au courant. Malgré la résistance énergique et prolongée de Cotta, qui prétendait qu’on ne devait jamais suivre les avis donnés par un ennemi, l’opinion contraire, soutenue par son collègue Sabinus, finit par prévaloir, et l’on décida d’abandonner le camp pour se rapprocher des quartiers de Cicéron. On voulait se joindre aux soldats de ce dernier, afin d’opposer une barrière efficace aux Germains dont on attendait l’arrivée et qui, presque toujours, faisaient leurs invasions par troupes innombrables. La grande majorité des chefs et des soldats ne révoquaient pas en doute la sincérité de l’avis donné par Ambiorix. On refusait d’admettre que la nation obscure et faible des Éburons (civitatem ignobilem atque humilem Eburonum) eût osé d’elle-même faire la guerre au peuple romain.

Ambiorix s’attendait à ce résultat, et, partageant son armée en deux corps, il les embusqua dans les bois, à l’entrée et à la sortie d’une vallée profonde que les Romains devaient traverser. Quand ceux-ci, au lever du soleil, y arrivèrent sur une longue file entrecoupée par de nombreux bagages, le signal du combat fut aussitôt donné. Ce fut en vain que les chefs et les soldats luttèrent héroïquement pendant huit heures ; ils furent à la fin mis en déroute, et les Éburons en firent un affreux carnage. Cotta mourut les armes à la main ; Sabinus, qui, à la demande d’Ambiorix, s’était avancé pour parlementer, fut entouré, désarmé et froidement massacré. Sept mille Romains restèrent sur le champ de bataille. Quelques phalanges réussirent à regagner le camp et y luttèrent jusqu’à ce que l’obscurité les contraignît à suspendre le combat ; puis, succombant sous le désespoir et la honte, ils se tuèrent tous jusqu’au dernier. Ceux qui, en très-petit nombre, s’étaient enfuis du champ de bataille, se jetèrent dans les bois, et, après des fatigues et des dangers de toute nature, réussirent à atteindre les quartiers de Labiénus chez les Rémois.

Le roi des Éburons sut profiter de cette victoire avec l’énergie et la promptitude qu’exigeaient les circonstances. Se plaçant à la tête de sa cavalerie, courant jour et nuit, il arrive chez les Atuatiques, rassemble les débris de ce peuple, raconte sa victoire, annonce la venue prochaine de son armée et place le fer aux mains de tous ceux qui sont en état de le porter. Le lendemain, il apparaît au milieu des Nerviens qui avaient échappé au glaive des Romains, les soulève à leur tour contre les oppresseurs de la patrie commune et fait retentir partout un appel aux armes. Les Centrons, les Grudes, les Levaques, suivent cet exemple, et tous se jettent sur le camp de Cicéron, où la nouvelle de la défaite de Sabinus et de Cotta n’était pas encore parvenue. Quelques soldats, surpris hors des retranchements, sont massacrés ; mais là s’arrêtent les succès des assaillants. L’assaut qu’ils livrent à l’instant ne réussit pas mieux qu’à Atuatuca. Ils répètent cet assaut pendant plusieurs jours, font des prodiges de valeur, comblent les fossés de leurs cadavres, mettent le feu aux cabanes qui servaient d’abri aux assiégés. Les Romains, égaux par la valeur et supérieurs par la science de la guerre, triomphent de toutes ces attaques et restent inébranlables au poste que César leur avait assigné. Alors les Nerviens, instigués par Ambiorix, ont à leur tour recours à la ruse. Quelques-uns de leurs chefs, qui avaient entretenu des rapports d’amitié avec Cicéron, lui demandent une entrevue. Ils lui annoncent la défaite de Sabinus et de Cotta, lui tiennent le lan-

  1. Comment., l. V, c. 27 ; trad. de M. Baudement.