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saint Monulphe au vie siècle. Il n’a pas vécu plus tard, puisque nous possédons une charte datée de 1040, par laquelle une femme de condition libre, portant le nom de Regenera, déclare se constituer, avec toute sa descendance, serve volontaire du monastère de Saint-Amour, à Munsterbilsen (Robyns, Diplomata lossensia, p. 2)[1]. Dans les Acta Sanctorum Octobris (t. IV, p. 341), le P. Suyskenus, après avoir judicieusement discuté les faits et pesé les témoignages, se prononce en faveur du ixe siècle. On n’est pas d’accord non plus sur le rang que saint Amour occupait dans la hiérarchie religieuse. Dans les plus anciens martyrologes, il reçoit simplement le titre de confesseur, tandis que, dans les martyrologes postérieurs, il paraît tantôt comme prêtre et tantôt comme diacre. Les événements qui ont marqué sa carrière nous sont très-peu connus. Né en Aquitaine, de parents illustres, il se distingua, dès sa jeunesse, par une piété tellement éminente que, malgré toutes les précautions qu’il avait prises pour cacher l’éclat de sa sainteté, il dut quitter son pays pour se soustraire à des hommages dont il se croyait indigne. Arrivé à Rome, il pria avec ferveur, afin que Dieu daignât l’éclairer sur le genre de vie qu’il devait embrasser pour se conformer aux vues de la Providence. Il repassa ensuite les Alpes et s’arrêta longtemps à Maestricht, où il se livra à l’exercice de toutes les vertus chrétiennes et fréquentait, avec la plus grande assiduité, le jour et la nuit, les offices célébrés à l’église de Saint-Servais.

Ayant appris la langue du pays, il se voua, avec autant de zèle que de succès, à l’évangélisation des habitants encore à moitié sauvages de la Hesbaie et des frontières du Brabant. Il mourut à Munsterbilsen et fut inhumé au cimetière commun du monastère ; mais, comme sa tombe devint bientôt l’objet de la vénération publique, Hilda, femme d’Odulphe ou de Chlodulphe, à qui l’historien Mantelius donne le titre de comte de Looz, fit exhumer ses ossements et les fit déposer dans un sarcophage richement orné, sous les voûtes du temple bâti par sainte Landrade. Cette église fut, en même temps, placée sous sa protection, et, jusqu’au moment de la suppression des maisons religieuses, à la fin du xviiie siècle, saint Amour fut honoré et invoqué comme le patron de l’abbaye. L’empressement et la persévérance avec lesquels les habitants du diocèse de Liége honorèrent sa mémoire permettent de supposer qu’il rendit des services éminents à l’Église et à la civilisation. Les anciens bréviaires de Maestricht, de Tongres et de Liége renfermaient un office spécial en l’honneur de saint Amour, et, pendant près de neuf siècles, de nombreuses troupes de pèlerins vinrent chaque année, le 8 octobre, jour de sa fête, implorer son intercession aux lieux où il avait terminé sa carrière. Une chapelle, érigée en son honneur à Maestricht et desservie par un chapelain, fut démolie, en 1651, parce qu’elle menaçait ruine.

Dans sa Notice historique sur l’ancien chapitre de chanoinesses nobles de Munsterbilsen, M. Wolters rapporte que le comte Chlodulphe fit bâtir, vers 850, une nouvelle église, à côté de celle érigée par sainte Landrade. Il ajoute que Chlodulphe dédia ce temple à saint Amour et y fit transporter les reliques de l’illustre confesseur, qui jusque-là avaient été déposées à Maestricht. Ce récit est conforme à une tradition accueillie par quelques hagiographes, mais il ne résiste pas à une critique sérieuse. Rien n’atteste la construction d’une seconde église dans l’enceinte de l’abbaye, et les ossements du saint, à part quelques parcelles déposées dans la chapelle démolie en 1651, reposèrent à Munsterbilsen depuis le jour de son décès. M. de Villenfagne, dans ses Mélanges historiques et littéraires, commet la même erreur et, de plus, il a le tort de faire de saint Amour le patron de la ville de Maestricht.

J.-J. Thonissen.

Acta Sanctorum Octobris, t. IV. — Martène et Durand, Amplissima Collectio, etc., t. VI. — Fi-

  1. La même preuve résulte d’un calendrier du xie siècle, de l’abbaye de Stavelot. À la date du 8 octobre, on trouve la mention suivante : S. Amoris, confessoris. Martène et Durand ont reproduit ce calendrier au t. VI de leur Amplissima Collectio.