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du métier des Quatre Couronnés, et, le 26 mars 1706, il fut nommé l’un des trois commissaires chargés de conclure un accord, au nom de cette corporation, avec Matthieu de Saegher, ou de solliciter du magistrat l’autorisation de procéder contre ce maître maçon.

Quoique ne possédant pas une grande fortune, Anneessens jouissait de la considération publique. Il remplit fréquemment des fonctions qui le mirent en rapport avec des personnes notables de toute condition. Il devint l’un des chefs-doyens du Grand Serment de l’Arbalète, et fut, tour à tour, receveur de l’église du Sablon et maître de la fabrique de l’église de l’hôpital Saint-Jean. Ses qualités morales éclatèrent lors de son procès, pendant lequel il fit preuve d’une fermeté et d’une patience à toute épreuve. À l’heure de la mort, il déploya un courage qui frappa d’autant plus les esprits qu’il ne s’y mêlait aucune ostentation. Anneessens alliait à une piété sincère un sentiment profond de ses obligations comme citoyen, et mourut avec l’intime conviction qu’il n’avait fait que remplir son devoir.

La publication du Luyster van Braband, ce code des priviléges et chartes de la ville de Bruxelles, exerça évidemment une grande influence sur l’esprit d’Anneessens. On en trouve la preuve dans le souvenir qu’il avait gardé en prison de passages importants de ce livre. Le marquis de Prié l’accusa à tort d’avoir été banni en 1698 ou 1699 ; s’il prit part aux agitations de cette époque, ce ne fut que d’une manière peu apparente, car son nom ne figura pas alors sur la liste des doyens condamnés ou proscrits. Mais il conserva sans doute un vif ressentiment de l’humiliation que l’on infligea, en 1700, aux nations et métiers de Bruxelles, en leur imposant un règlement qui réduisait considérablement leurs droits et leurs prérogatives. Il ne faut donc pas s’étonner s’il saisit l’occasion de provoquer l’annulation de cet acte, qu’il considérait comme un attentat aux droits séculaires de la commune.

Dans les troubles qui éclatèrent en 1717, Anneessens devint nécessairement l’un des auteurs principaux du drame qui se termina par sa mort. Non-seulement il était l’un des doyens d’un métier très-considéré, mais il devint, en outre, le syndic (en flamand, boetmeester, littéralement le maître des amendes) de sa nation, c’est-à-dire l’organe, le chef des cinq métiers qui constituaient ce que l’on appelait la nation de Saint-Nicolas. Avec ses huit collègues, il représentait en réalité le troisième membre de la commune, les deux autres membres étaient : l’un le magistrat même, les administrateurs de la cité ; l’autre le large conseil, qui était composé de vingt-quatre magistrats sortis de fonctions. C’étaient les syndics qui portaient la parole au nom de leurs nations respectives, quand elles avaient quelque demande à adresser au magistrat ou au conseil de Brabant.

Anneessens réunissait les qualités nécessaires pour remplir ces importantes fonctions de manière à satisfaire ses commettants. « Quoiqu’il ne fût qu’un artisan et de médiocre extraction, » dit la Gazette de Rotterdam du 25 septembre 1719, « il avoit une éloquence naturelle, beaucoup de lecture et une parfaite connaissance des lois et des priviléges du pays, qu’il avoit soutenus, mais avec trop d’ardeur. » Une lettre du marquis de Prié atteste l’exactitude de ce portrait, mais en attribuant au doyen des intentions qui étaient loin de son esprit. « Ayant beaucoup lu, dit le marquis, et étant un demi-savant, il avoit assez de présomption et d’orgueil pour s’imaginer qu’il auroit pu mener le peuple de cette ville selon ses vues, et tenir tête au gouvernement sous le prétexte spécieux de maintenir les priviléges. Il s’étoit érigé en oracle ou, pour mieux dire, il égaroit par ses discours, d’abord sa nation, et ensuite les autres. Les réponses qu’il fit prouvent qu’il s’étoit figuré qu’il ne pouvoit pas être condamné pour avoir soutenu les intérêts et les priviléges de la bourgeoisie. »

Il n’est pas nécessaire de raconter ici toutes les péripéties des événements affligeants qui survinrent à Bruxelles de 1717 à 1719. On sait qu’en 1717, lors-