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au conseil d’État, et une quatrième chez le comte-duc le 22 mars. Dans toutes ces réunions, au lieu de discuter l’objet principal de la mission du duc d’Arschot, on ne s’occupait que de questions accessoires ou oiseuses. Voyant cela, et quoiqu’il fût sans défiance, il sollicita son congé. Pour gagner du temps, on lui fit adresser, par le secrétaire d’État Andres de Rozas, une série de questions qu’on croyait de nature à l’embarrasser, mais auxquelles il n’eut pas de peine à répondre.

Enfin, le samedi saint, 15 avril 1634, le roi, ayant reçu de Bruxelles les renseignements qu’il avait demandés, fit venir le duc à son palais. Il commença par lui rappeler les faveurs que lui et les siens avaient reçus de sa maison ; il lui dit que le moment était venu de montrer sa fidélité à son prince et le zèle qu’il avait pour son service ; il ne lui laissa pas ignorer que, s’il manquait à cette obligation, il s’exposerait à des conséquences fâcheuses ; et après ce préambule, il l’interrogea sur la conspiration qui avait été ourdie aux Pays-Bas, sur ceux qui en avaient été les auteurs et les complices, sur leurs liaisons et leurs desseins : il avait préparé là-dessus un papier auquel il lui ordonna de répondre par écrit et d’une manière catégorique. Pour qu’il ne prétextât pas d’ignorance, il lui déclara que des lettres tracées de la propre main de l’infante Isabelle prouvaient qu’il était parfaitement instruit à cet égard. La présomption de la participation du duc au complot, ou du moins de la connaissance qu’il en aurait eue, résultait, selon le papier du roi, de ce qu’il en avait parlé à sa cour ; qu’à Bruxelles il s’était vanté, en différentes occasions, d’avoir seul empêché la révolte des Pays-Bas ; qu’il avait eu des rapports avec des ministres étrangers ; qu’il avait fréquenté des personnes notoirement hostiles à la domination espagnole. Le duc répondit qu’en parlant des projets factieux formés aux Pays-Bas, il n’avait été que l’écho des bruits publics. Il avoua avoir dit que, s’il eût été capable de trahir ses devoirs, ces provinces auraient été perdues pour la monarchie d’Espagne, mais c’était là le langage des Espagnols eux-mêmes et de tout le monde. Il nia d’avoir fréquenté des personnes qu’il sût être impliquées dans la conspiration et vu des ministres de princes étrangers.

Cette réponse ne satisfit pas le roi. Philippe avait aussi appelé au palais le conseil d’État, l’archevêque de Grenade, gouverneur du conseil de Castille, et plusieurs membres de ce tribunal ; il leur en donna communication. Ces ministres en furent aussi peu satisfaits que lui. L’archevêque, le comte-duc d’Olivarès et le duc d’Albe se transportèrent auprès du duc, qui était en une chambre voisine ; ils l’engagèrent à faire des déclarations plus explicites ; le roi en personne l’y exhorta : durant trois heures, on le pressa pour qu’il découvrît ce qu’il savait. Il persista à soutenir qu’il ne savait rien. Le roi alors, de l’avis des ministres que nous avons nommés, donna l’ordre à don Diego Pimentel, marquis de Gelves, capitaine de sa garde espagnole, d’arrêter le duc. Le marquis, ayant reçu de lui son épée et les clefs de ses secrétaires, le fit entrer dans une voiture qui se dirigea vers la porte d’Alcala, sous l’escorte d’une partie de la garde : là, il le livra à don Juan de Quinoñes, alcade de casa y corte, qui le conduisit à la maison-forte de l’Alameda, à deux lieues de Madrid. Dans le même temps, un autre alcade saisissait ses papiers, et prenait ses serviteurs et les personnes de sa suite. Le roi chargea d’instruire son procès une junte composée de trois conseillers de Castille, d’un conseiller d’Aragon, d’un d’Italie et d’un de Portugal. Le fiscal du conseil de Castille, D. Juan Bautista de Larrea, fut commis pour diriger cette instruction.

D’Arschot était loin de s’attendre à ce qui lui arrivait. Le lendemain de son emprisonnement, il écrivit au comte-duc un billet dans lequel, après s’être excusé, sur le trouble où il était, du silence qu’il avait garde la veille, il déclarait que les princes d’Épinoy et de Barbançon et le comte de Hennin l’avaient plusieurs fois sollicité de sortir de la cour, l’assurant que tout le monde le suivrait ; qu’il ignorait quel était en cela leur dessein, car il ne le leur avait point demandé, et eux