Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/239

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s’étaient abstenus de le lui dire, quand ils avaient remarqué qu’il n’était pas disposé à seconder leurs vues. Il confessa aussi qu’il s’était rencontré une fois avec le résident du roi d’Angleterre, lequel avait cherché à le convaincre de la nécessité, dans la situation critique où étaient les Pays-Bas, de recourir à son maître ainsi qu’au roi de France et aux états généraux des Provinces-Unies ; mais, loin de prêter l’oreille à cette insinuation, il avait répondu qu’il ne s’écarterait jamais des devoirs d’un bon vassal, et que, dans le cas où les Pays-Bas ne pourraient être conservés au roi, il se retirerait en sa terre d’Arenberg. Il ajouta que, s’il n’avait pas révélé ces choses à l’infante et s’il les avait tues au roi, c’était afin de ne perdre personne alors que les intérêts de l’État ne couraient aucun risque. Il avait en cela, il le reconnaissait, commis une faute, mais c’était sans aucune intention mauvaise, et il était prêt à en demander pardon. Ce billet, remis à Philippe IV, ne modifia pas ses résolutions : la junte établie pour l’instruction du procès du duc reçut l’ordre de la poursuivre ; le roi renouvela au marquis d’Aytona, à qui il avait confié le gouvernement intérimaire des Pays-Bas après la mort de l’infante, l’injonction de s’enquérir avec le plus grand soin de la conduite que ce seigneur avait tenue pendant les deux années qui avaient précédé son départ de Bruxelles.

Le jour suivant, d’Arschot, revenant sur la réponse qu’il avait faite, le 15, au papier du Roi, entra dans quelques détails qui ne compromettaient que les comtes de Bergh, de Warfusée et d’Egmont, lesquels étaient hors des Pays-Bas. Quant à lui, il répétait qu’il ignorait entièrement les noms et les plans des conjurés : s’il était allé chez le prince d’Épinoy, c’était pour jouer, comme le faisaient des seigneurs espagnols et italiens ; s’il avait eu des conversations avec le prince de Barbançon, elles n’avaient roulé que sur des affaires de famille.

A quelque temps de là, il fut transféré à Pinto, autre château-fort près de Madrid. Dans un billet destiné au roi seul, qu’il écrivit de cette forteresse, le 3 juillet, il alla plus loin qu’il ne l’avait fait jusqu’alors sur ses rapports avec les chefs de la conspiration : « Le prince d’Épinoy — ainsi s’exprimait-il — me demanda, à Binche, de me rendre à une maison de campagne de ma fille, située à Beuvrage ; il me dit que tous m’y viendraient joindre, et en particulier le comte d’Egmont ; que celui-ci m’obéirait ; que l’argent ne manquait pas, et à ce propos il me fit entendre qu’il valait mieux être seigneur que gouverneur de Namur. Le prince de Barbançon et le comte de Hennin me tinrent le même langage, en me représentant que nous étions sur le chemin de notre perte, et qu’il était nécessaire de chercher un remède au mal. Je pus inférer de là qu’ils auraient voulu que je me misse à la tête de leur entreprise. » Il protestait, comme dans ses autres écrits, qu’il était resté sourd à ces propositions ; que, par ce motif, on ne s’était pas ouvert davantage à lui. Il terminait en suppliant le roi de trouver bon, si cela était possible, sans que son service en souffrît, que personne ne sût ce qu’il venait de rapporter : car il ne voudrait pas qu’on pensât que, pour sortir de prison ou recevoir des faveurs, il eût révélé des secrets au préjudice d’autrui. Ne voulant pas davantage être soupçonné de faire cette demande, mû par le désir de conserver l’affection de sa patrie et de ses proches, il offrait au roi de demeurer à son service, d’appeler son fils en Espagne et de faire en sorte que sa femme y vînt également. Le même jour où il avait écrit ce billet, on l’amena à Madrid, pour être interrogé par la junte : il ajouta à ses déclarations précédentes que la princesse d’Épinoy, sa sœur, avait essayé de l’exciter contre la domination espagnole ; que la même tentative avait été faite par des marchands de Bruxelles ; que le P. Charles d’Arenberg, son frère (voyez ce nom), avait été présent à plusieurs de ses entretiens avec les princes d’Épinoy et de Barbançon, et avait approuvé leur langage[1].

  1. Tous les détails que nous donnons ici sont tirés des propres déclarations du duc d’Arschot que Philippe IV envoya au marquis d’Aytona, et qui sont conservées aux Archives du royaume.