suivant les autres, à la suite d’un vaste complot savamment ourdi par les nobles, il demanda une entrevue au chapitre et à la bourgeoisie, pour y discuter les termes d’un accommodement. Cette entrevue fut fixée au 3 août 1312. Ce jour Arnoul fit son entrée à Liége, à la tête d’un nombreux et brillant cortége de nobles, se rendit à la cathédrale et essaya vainement d’y faire reconnaître son autorité de mambour, en répétant que cette dignité était héréditaire dans sa famille. On lui répondit qu’il avait lui-même reconnu jadis l’inanité de cette prétention, et que, dès lors, on ne songeait pas, ainsi qu’il le prétendait, à dépouiller sa famille d’un noble héritage auquel elle ne pouvait renoncer sans déshonneur[1]. Profondément blessé, mais dissimulant sa colère, il feignit d’avoir besoin de quelques heures pour examiner avec maturité les assertions de ses antagonistes, et demanda à être entendu de nouveau le lendemain ; mais, en partant, il prit à part le maïeur et les échevins, les engagea à tenir ferme et promit d’accourir à leur aide, la nuit même, avec un corps de troupes exercées. Une vieille chronique manuscrite lui prête le langage suivant : « Messires, il est temps d’accomplir nos desseins ; partant, soyez prêts cette nuit, et je vous secourrai de telle façon que nous aurons le tout à notre volonté, » Arnoul de Blankenheim, qui avait des intelligences dans les rangs de ses ennemis, fit échouer ce plan. A minuit, les nobles restés à Liége se soulevèrent, mais furent bientôt défaits par le peuple. Ce fut en vain que trois cents hommes d’armes envoyés par le comte de Looz pénétrèrent dans la ville et annoncèrent l’arrivée prochaine de leur chef. Un instant vainqueurs, ils ne tardèrent pas à être battus à leur tour, et quand Arnoul, au point du jour, arriva lui-même à l’entrée du faubourg de Sainte-Marguerite, il put apercevoir les flammes qui dévoraient l’église de Saint-Martin, où les phalanges dispersées des nobles avaient inutilement cherché un dernier refuge. Il dut se retirer, vigoureusement poursuivi par le peuple et perdant près de deux cents hommes dans sa retraite. Malgré la bravoure qu’il avait, comme d’ordinaire, déployée dans ce dernier combat, il ne recueillit que la honte et la haine pour prix de sa perfidie.
Animée par l’esprit de vengeance, la noblesse de toutes les parties du pays courut aux armes et, par un nouveau décret, elle confirma le comte de Looz dans l’exercice des fonctions de mambour. Arnoul agit d’abord avec l’énergie et la promptitude que réclamaient les circonstances. Levant des impôts, disposant des milices, choisissant les gouverneurs des forteresses, il exerça hardiment tous les droits de souveraineté. Il prit et rasa le château de Waleffe, et mit en liberté les nombreux malfaiteurs que le chapitre de la cathédrale y avait fait enfermer. Mais la trempe de son caractère n’était pas en harmonie avec les exigences chaque jour plus impérieuses de cette situation révolutionnaire. Par un édit du 8 octobre, le chapitre de Saint-Lambert le frappa des foudres de l’excommunication et ordonna que le service divin fût suspendu dans tous les lieux où il fixerait sa résidence. Cette rigueur, à laquelle il devait s’attendre, suffit pour anéantir complètement le courage qu’Arnoul avait, jusque-là, manifesté dans cette lutte mémorable. Il se présenta en suppliant devant le chapitre assemblé, se démit de ses fonctions de mambour, avoua qu’il n’avait aucun droit héréditaire à cette dignité, et fut relevé des censures ecclésiastiques. Il travailla ensuite activement à amener une entente entre la noblesse et la bourgeoisie de Liége, et son intervention ne fut pas étrangère à la paix d’Angleur, dite de Saint-Martin, conclue le 14 février 1313. Le 8 juin de la même année, il offrit sa médiation aux factions liégeoises des Waroux et des Awans, au moment où elles allaient en venir aux mains dans la plaine de Waremme.
Il est vrai que le comte de Looz ne persista pas longtemps dans ces sentiments pacifiques. Son humeur guerrière
- ↑ Dans une charte du 2 novembre 1295, à laquelle il avait apposé son sceau, Arnoul avait reconnu que sa famille n’avait aucun droit héréditaire à la dignité de mambour. Ce document se trouvait transcrit au Premier livre des chartes de Saint-Lambert (Polain, Hist. de Liége, t. II, p. 69).