Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 1.djvu/439

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secrètement. Vivement irrité à la nouvelle de cet attentat, Charles le Chauve invoqua les foudres de l’Église contre un vassal coupable, selon lui, du rapt d’une veuve, et s’empressa de notifier la sentence au roi Lothaire, qui avait reçu les époux dans ses États. Les fugitifs prirent le parti de se rendre à Rome et de se jeter aux pieds du pape Nicolas Ier, afin d’obtenir leur grâce du roi par sa puissante intercession. Le sage pontife les accueillit avec bonté et écrivit les lettres les plus touchantes en leur faveur au roi et à la reine Hermentrude ; mais il ne put fléchir Charles le Chauve. Ce ne fut que l’année suivante qu’il céda aux nouvelles instances de Nicolas, et surtout par la crainte de pousser Baudouin, ulcéré, à s’unir aux Normands. La mariage fut solennellement ratifié à Auxerre, mais Charles ne voulut pas y assister. Cependant il accordas son gendre, avec le titre de comte et de marquis[1], toute la contrée qui s’étendait entre la Somme, ou plutôt la Canche, l’Escaut et la mer : contrée qu’on appela plus tard Flandre sous la couronne (863). Le nouveau comte ne permit pas aux pirates du nord d’insulter ses frontières ; il bâtit à Bruges le bourg, où il faisait d’ordinaire sa résidence, et l’église de Saint-Donat. Il mourut, sous l’habit monastique, à l’abbaye de Saint-Bertin, laissant le comté de Flandre à son fils aîné, et celui de Cambrai au puîné, nommé Rodolphe ou Raoul (878).

J.-J. De Smet.

BAUDOUIN II, comte de Flandre, qui se donna le surnom de Chauve, non qu’il fût chauve en effet, mais pour rappeler son aïeul maternel, s’était marié à Elstrude, fille d’Alfred le Grand, roi des Anglo-Saxons. Malheureusement, il se montra peu digne de sa noble origine et de cette alliance illustre : il ne fit point revivre en lui les vertus d’Alfred et de Baudouin Bras de fer. A peine était-il arrivé au pouvoir, qu’une horde considérable de Normands fondit sur la Flandre et y mit tout à feu et à sang ; le comte leur ayant fait éprouver un échec assez grave dans la forêt de Mormal, ils revinrent à la charge en plus grand nombre et avec plus de fureur. Baudouin, dès lors, ne songea plus à les combattre. Renfermé dans le bourg de Bruges, auquel il ajouta de nouvelles fortifications, il vit son comté changé en un vaste désert, sans essayer la moindre résistance. Quand ce fléau dévastateur eut disparu, vers la fin du siècle, le marquis des Flamands se réveilla. Lui et son frère Rodolphe embrassèrent avec ardeur le parti de Charles le Simple, leur parent, contre Eudes, comte de Paris, qui s’était fait élire roi de France par quelques seigneurs. Cette guerre civile coûta la vie à Rodolphe, tué dans un guet-apens, et son frère fit assassiner le comte de Vermandois, père de sa bru, qu’il accusait sans preuve de ce meurtre. Ce crime porta une grave atteinte à la réputation de Baudouin, mais il la flétrit bien plus encore en faisant tuer par un sicaire, Foulques, archevêque de Reims, prélat généralement vénéré, parce que le roi lui avait conféré l’abbaye de Saint-Bertin, que le comte convoitait pour lui-même et dont il s’empara ensuite. Ce prince avait construit, pendant des intervalles de paix, un petit nombre de forteresses, parmi lesquelles on distingue le château des Comtes, à Gand, fondé en 912. Il mourut sept ans après, laissant deux fils : Arnoul, son successeur en Flandre, et Adolphe, qu’il avait créé comte de Boulogne et de Térouanne.

J.-J. De Smet.

BAUDOUIN III, dit le Jeune, comte de Flandre, fils d’Arnoul le Vieux et d’Adèle de Vermandois, parvint au pouvoir à la suite de l’abdication de son père, affaibli par son grand âge. Doué d’habileté et de prudence, autant que de vigueur, le nouveau prince commençait son règne sous les auspices les plus heureux. Il agrandit et fortifia successivement, disent les chroniques, les places d’Ypres, de Furnes, de Bergues, de Bourbourg, de Dixmude, d’Oudenbourg, de Rodenbourg et de Roulers : en même temps qu’il établissait des marchés réguliers et des foires à Bruges, Thourhout, Cassel et Courtrai. Le commerce, qui se faisait alors par échange, et la tisseranderie, source d’une longue prospérité pour son peuple, lui durent encore leurs progrès.

  1. Le dernier comte qui se nomma marquis fut Baudouin VII.