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voyageait partout sans escorte et sans armes en toute sécurité ; une porte de maison ou de cellier ouverte, même pendant la nuit, n’exposait à aucun danger, tant la police était religieusement observée. C’est à ce Baudouin que la ville de Grammont doit son existence ; il la bâtit sur un terrain accidenté qu’il avait acheté d’un seigneur, nommé Gérard, l’entoura de murailles et lui donna une charte ou Keure, probablement la plus ancienne du pays. Malheureusement la Flandre ne jouit que trois ans des bienfaits de cette administration. Voyant qu’il ne lui restait que peu de temps à vivre, ce bon prince convoqua à Audenarde une assemblée de barons et, de concert avec eux, il régla sa succession entre ses deux fils mineurs, Arnoul et Baudouin. Il fut statué que la Flandre appartiendrait au premier et le Hainaut au second ; mais que, si l’un d’eux venait à mourir, les deux principautés reviendraient au survivant. Le pieux comte mourut en 1070, et fut enseveli dans l’abbaye de Hasnon, qu’il avait restaurée.

J.-J. De Smet.

BAUDOUIN VII, comte de Flandre, fils de Robert de Jérusalem et de Clémence de Bourgogne, succéda à son père en 1111, et fut appelé Baudouin à la Hache, à cause de sa justice rigoureuse, dont il se plaisait quelque-fois à exécuter lui-même les arrêts. Aussitôt après son inauguration à Arras, il fit solennellement jurer aux barons réunis la Paix publique et ajouta des dispositions plus sévères à cet essai de code pénal, qu’il sut maintenir avec fermeté. Justicier inflexible, il parcourait les villes et les campagnes, écoutait les plaintes du moindre manant et punissait les coupables, quel que fût leur rang, avec une rigueur et une promptitude qui ramenèrent la paix et l’ordre dans le pays. Deux seigneurs puissants, les comtes de Hesdin et de Saint-Pol, se révoltèrent contre Baudouin, à cause de cette justice sommaire, mais il les mit à la raison par la force des armes. Vassal fidèle de la France, comme son père, il accourut au secours du roi Louis le Gros et alla mettre le siége devant la ville d’Eu, dont il espérait se rendre maître en peu de temps, quand il fut blessé au front et forcé de se faire transporter à Roulers. Il y languit pendant plusieurs mois et son incontinence ayant envenimé la plaie, il mourut le 17 juin 1119, après avoir désigné comme son successeur au comté de Flandre Charles de Danemark, son cousin germain (voir ce nom).

J.-J. De Smet.

Passim. Corpus chronicorum Flandriæ. — N. Depars, Kronycke van Vlanderen. — De Meyere, Annales Flandriæ. — De Smet, Excellente Cron., etc.

BAUDOUIN VIII, comte de Flandre. Voir Baudouin V, comte de Hainaut.

BAUDOUIN IX[1], comte de Flandre et de Hainaut, empereur de Constantinople, fils du précédent et de Marguerite, sœur et héritière du comte de Flandre, Philippe d’Alsace, naquit à Valenciennes en 1171. A peine sorti de l’adolescence, il avait fait preuve des plus nobles qualités de l’esprit et du cœur, que rehaussait encore son amour éclairé des sciences et des lettres. Le sang-froid et la valeur qu’il déploya à la bataille de Neuville-sur-Méhaigne le couvrirent de gloire. Aussi fut-il accueilli avec enthousiasme, quand la mort de sa mère le mit en possession du comté de Flandre. On avait l’espoir qu’il saurait recouvrer l’Artois, que son oncle en avait imprudemment démembré, et cet espoir s’accrut, quand l’héritage paternel lui permit encore de disposer de cette chevalerie si renommée du Hainaut. Cependant la famine qui désolait ses États le contraignit à temporiser, et c’est plus tard que, s’alliant aux rois d’Angleterre contre Philippe-Auguste, il put obliger ce puissant monarque à restituer aux Flamands les villes situées en deçà du Fossé-Neuf. Il s’occupait à améliorer la législation et à raviver l’industrie et le commerce, renonçant pour lui-même à des droits onéreux et vexatoires, quand Foulques de Neuilly prêcha une nouvelle croisade. Baudouin prit la croix avec Marie de

  1. La vie de ce grand prince ayant été plus d’une fois longuement écrite dans des ouvrages spéciaux et dans l’Histoire des Croisades, nous avons dû nous borner à condenser ici les principaux et ne pas empiéter sur l’histoire générale de cette époque mémorable.