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rard de Sauve-Majeure a écrit l’histoire de cette translation. Il composa aussi un office particulier en l’honneur d’Adélard, à l’intercession duquel il se croyait redevable de la guérison d’une longue et violente migraine[1]. Les reliques de saint Adélard, à l’exception d’une petite partie, se conservent aujourd’hui dans l’église paroissiale de la ville de Corbie. Son nom ne se trouve pas dans le martyrologe romain, quoiqu’il soit le patron principal d’un grand nombre d’églises paroissiales et qu’il soit honoré en France, en Belgique et dans plusieurs villes sur les bords du Rhin. Selon le témoignage de Molanus, son culte était autrefois très-célèbre à Huyse, où l’on voit une fontaine qui porte le nom de Saint-Adélard.

L’ancien monastère de Corbie fut plusieurs fois ravagé pendant les troubles du ixe et du xe siècle. Un diplôme de Louis le Débonnaire, de 825, exempta l’abbaye de toute juridiction séculière. Elle faisait déjà battre monnaie à son coin dans les premières années du xe siècle, comme il résulte d’une ordonnance de l’abbé Évrard de 912, touchant la monnaie du comté de Corbie. Le chapitre et les évêques d’Amiens tentèrent toujours vainement de placer l’abbaye sous leur dépendance ; ils ne pouvaient la visiter sans le consentement des religieux. En 1196, le pape Célestin III accorda la mitre et l’anneau à l’abbé Jean de Brustin ; ce privilége fut confirmé et étendu en faveur de ses successeurs par Innocent III, en 1198. L’abbé prenait le titre de comte de Corbie ; il était seigneur temporel de la ville et instituait les officiers de justice du comté. La garde du beffroi et des clefs de la ville appartenait à l’abbaye. Les seigneurs d’Encre, de Boves, de Pecquigny, de Moreil et d’Heilly figuraient au nombre de ses feudataires. Elle avait son maréchal, son échanson, son héraut d’armes. Le palais abbatial, dont il ne reste plus aujourd’hui que des ruines, était d’une grande magnificence[2]. Parmi les redevances imposées aux vassaux de Corbie, on remarque celle du seigneur de Fouilloy : la veille de la fête de saint Pierre, il se rendait à l’abbaye pour y garder les reliques, et au jour du saint sacrement il offrait un chapeau de roses à deux rangs à la châsse de saint Adélard[3].
notice des écrits de saint adélard.

1o Statuta antiqua abbatiœ sancti Petri Corbeiensis. C’est sous ce titre que Dom d’Achéry (Spicileg., t. I, pp. 586-592) a publié les statuts que saint Adélard écrivit en 822, peu de temps après son retour de l’exil. Quelque imparfaite que soit l’édition de ces statuts, à cause des nombreuses lacunes de l’ancien manuscrit sur lequel elle a dû être faite, on ne laisse pas d’y voir dans quel état se trouvait alors l’abbaye de Corbie. Toute la maison était divisée en six classes : la première des moines, au nombre de trois cent cinquante ; la deuxième des clercs et des étudiants ; la troisième des matriculaires et serviteurs ; la quatrième des pourvoyeurs (provendarii) ; la cinquième des vassaux ; la sixième des hôtes ou des étrangers qui y logeaient pour un certain temps. Adélard parcourt toutes les classes ; il entre dans le détail des moindres choses comme dans celui des plus considérables, et il prescrit ce qu’il y a à faire pour chaque classe, afin d’éviter la confusion et le désordre. La règle qu’il établit pour la distribution des aumônes prouve que l’abbaye en faisait de considérables. Dom d’Achéry a donné à ces statuts le titre de Fragments, parce que le manuscrit d’où il les a tirés, manuscrit mutilé, mais datant du temps même d’Adélard, portait la marque de son antiquité et était à peine lisible. Dans le même manuscrit se trouvait encore une table en soixante et un chapitres, ce qui prouve combien l’édition actuelle des Sta-

  1. L’histoire de cette translation, avec la relation de huit miracles opérés par l’intercession du saint, se trouve dans Bollandus et Mabillon. — Saint Gérard était lui-même moine de Corbie. Il devint abbé du monastère de Sauve-Majeure (Salva Major), situé en Guienne, au diocèse de Bordeaux, et fondé en 1080 par Guillaume VIII, duc d’Aquitaine et comte de Poitiers. Il mourut le 5 avril 1095 et fut canonisé par Célestin III, en 1197. Mabillon a donné sa vie, Acta SS. Ord. S. Bened., t. IX, p. 841.
  2. Les auteurs des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (vol. Picardie, art. Corbie) ont donné une vue des ruines de l’abbaye.
  3. Roger, Archives hist. et ecclésiast. de la Picardie et de l’Artois. Amiens, 1842, t. I, p. 187.