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dont il enrichit plus tard son poëme des Enfances Ogier et particulièrement celui de Cléomadès.

On a prétendu (Ferdin. Wolf, ouvr. cit., p. 31) qu’Adenès suivit à Paris la princesse Marie de Brabant, lorsqu’elle épousa, en 1274, le roi Philippe le Hardi, et qu’il resta, depuis cette époque, attaché au service de cette reine. Cependant ce fait n’est guère probable ; car nous savons, par deux états de dépense de la maison de Gui de Dampierre, que, pendant les années 1275 et 1276, notre poëte fut encore l’objet des libéralités de ce prince. Puis, d’ailleurs, Adenès lui-même, après nous avoir dit qu’il écrivit sa geste des Enfances Ogier à la demande du comte de Flandre, ajoute :

Ce livre veuil la roïne envoyer
Marie.

En outre, à la fin du roman de Cléomadès, le dernier de ses écrits, il nous apprend lui-même qu’il appartenait à Gui de Dampierre :

Et (Diex) gart le bon conte Guion
De Flandres, cui loer doit on ;
Car en lui maint, par vérité,
Fois et honnours et charité ;
Et certes, se à lui n’estoie,
De la bonté plus parleroie
De lui, etc.

Il résulte évidemment de là qu’il était encore attaché à la maison de Flandre, alors que la princesse brabançonne portait déjà depuis longtemps la couronne des lis. Jusqu’à quelle époque demeura-t-il à la cour de Gui ? Aucun renseignement ne nous permet de le préciser. Entra-t-il même au service de la reine Marie ? Aucun fait ne nous éclaire sur cette question, bien qu’il nous soit difficile de comprendre comment il eût pu, sans avoir longtemps séjourné sur les bords de la Seine, étudier aussi profondément qu’il paraît l’avoir fait le dialecte de l’Ile-de-France ; car, ainsi que l’observe avec raison M. Paulin Paris (ouvr. cit., p. 683), « Nulle part la langue et l’orthographe du xiiie siècle ne sont plus nettement et plus heureusement représentées que dans les manuscrits conservés de ses ouvrages, et qui, souvent exécutés sous ses yeux, sont tous conformes les uns aux autres. » Quoi qu’il en soit, d’après deux indications fournies par le poëte lui-même, l’un dans les Enfances Ogier, l’autre dans Berte aux grans piés, il allait parfois à Saint-Denis consulter quelque moine ou la librairie de cette illustre abbaye sur les Ystoires qu’il s’occupait de traduire en poëmes. Ces voyages, qui avaient toujours lieu au printemps,

…… Ou tans k’yver convient cesser,
Que abrissel prennent à boutonner
Et herbelette commencent à lever,


il les faisait probablement à la suite du comte Gui, que des liens de famille unissaient à la reine Marie et que, d’ailleurs, ses obligations de vassal de la France devaient assez souvent amener auprès de son suzerain Philippe le Hardi. Peut-être chacun de ces voyages était-il pour Adenès l’occasion de se voir admis auprès de la reine elle-même, qui, fille et sœur de poëte, ne pouvait manquer de faire bon accueil à l’ancien protégé de son père, le duc Henri III, et au ménestrel titulaire du comte de Flandre.

C’est sans doute dans une de ces visites qu’Adenès fut présenté à Blanche de France, sœur du roi, et, depuis 1275, veuve de Ferdinand, infant de Castille, à Robert II, comte d’Artois et neveu de Philippe le Hardi, ainsi qu’à Mahaut, fille de ce prince. C’est là, sans doute, aussi que l’idée de son poëme de Cléomadès lui fut suggérée par la reine Marie et par la princesse Blanche, auxquelles il fait allusion dans ces vers :

…… Ce me fait reconforter
Que me daignierent commander
Que je ceste estoire entendisse
Et à rimer l’entrepreïsse
Deux Dames en cui maint la flour
De sens, de biauté, de valour ;


mais dont il a pris soin de nous faire connaître le nom dans un acrostiche placé à la fin de ce chant.

On ignore en quelle année Adenès mourut.

M. Paulin Paris (ouvr. cit., p. 682) assure que notre poëte se trouvait encore, en 1296, au service du comte de Flandre ; mais nous ne savons sur quelles preuves cette opinion est fondée, à moins qu’il n’y ait dans cette indication une erreur typographique et qu’il ne faille lire 1276 au lieu de 1296. Quoi qu’il en soit, nous