Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/104

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bâtiment ne tarda pas à se remettre à flot et les voies d’eau purent être rebouchées.

Durant ces entrefaites, un sergent du poste qui gardait l’entrée de la forteresse s’étant approché dans une petite nacelle, avait mis pied dans le bateau à l’effet d’opérer la visite. Mais il se borna à ouvrir une des fenêtres de la cabine pour s’assurer qu’il ne s’y trouvait rien de suspect. Après quoi, l’écluse du fossé de la citadelle ayant été ouverte, il ordonna à plusieurs soldats de s’attacher aux amarres de l’embarcation et de la tirer jusque devant la porte du château. Puis ils commencèrent immédiatement à décharger la tourbe. Comme le jour n’était pas encore tout à fait à son déclin et que le travail était déjà avancé au point qu’on allait mettre à nu le plancher du faux pont, Van Bergen, qui n’avait pas un seul instant perdu son sang-froid, comprit que tout serait perdu s’il ne parvenait à trouver un moyen de faire stationner pendant la nuit son bateau à l’entrée de la citadelle. Il avait eu la précaution de mettre un homme à la pompe, moins pour rejeter au dehors l’eau qui avait pénétré dans la cale, que pour couvrir par le bruit de la machine la moindre rumeur qui pourrait se faire entendre dans l’intérieur de l’embarcation. Il poussa plus loin encore la prudence. Prétextant qu’il était fatigué outre mesure, que le déchargement pouvait se terminer le lendemain et que son aide aussi avait besoin de prendre du repos, il donna à celui-ci quelque argent pour aller se rafraîchir dans la ville avec les soldats qui l’avaient assisté, et lui ordonna en même temps de venir le rejoindre un peu plus tard. Mais le commandant du poste lui fit observer que ses instructions ne lui permettaient pas d’autoriser plus d’un seul étranger à passer la nuit dans l’enceinte de la citadelle. Alors Van Bergen changea de plan. Il fit rester son aide dans le bateau, en lui recommandant de ne point négliger l’indispensable manœuvre de la pompe. Puis il rentra dans la ville, moins pour y passer la nuit que pour informer au plus vite le prince Maurice de la situation d’Haraugier et de ses intrépides compagnons.

Le prince se tenait prêt à tout événement, et devait, l’obscurité venue, prendre position à quelque distance de la place avec un corps de cavalerie et de fantassins. Afin d’assurer mieux encore le succès de l’entreprise, il avait depuis quelques jours adroitement répandu le bruit qu’il avait résolu de tenter, cette nuit même, un coup de main sur Geertruidenberg et de l’enlever aux Espagnols. Trompé par cette fausse nouvelle, le gouverneur de Bréda avait voulu prendre les devants. Après avoir remis le commandement de la citadelle à son fils, jeune homme sans expérience, il s’était acheminé avec une bonne partie de ses forces vers la ville menacée, pour la mettre à l’abri d’une surprise. De manière que tout semblait concourir au succès du plan si habilement convenu entre Haraugier et Van Bergen.

Le soir, vers onze heures, le capitaine cambrésien sortit du bateau et partagea ses hommes en deux troupes, dont il chargea l’une de forcer l’entrée du château qui faisait face au port et dont il conduisit l’autre vers la porte voisine de l’arsenal. Les postes de garde égorgés, la garnison surprise dans son premier sommeil, essaya d’abord d’opposer quelque résistance ; mais elle finit par céder devant l’énergie et l’audace des assaillants. Pendant ce temps l’alarme s’était répandue dans la ville, où l’avant-garde du prince Maurice, commandée par le comte de Hohenlohe, ne tarda pas à pénétrer et où le prince arriva bientôt lui-même avec le reste de ses hommes, tandis que les Espagnols et les Italiens, frappés de terreur, s’en évadaient en fuyant dans toutes les directions. Ainsi s’accomplit, dans la nuit du 3 au 4 mars 1590, ce mémorable fait d’armes qui mit au pouvoir des Provinces-Unies une forteresse dont elles devaient se faire plus tard un point d’appui pour porter des coups si rudes à la puissance espagnole dans les Pays-Pas.

La prise de Bréda fut célébrée dans toutes les villes de l’Union par des fêtes et des prières publiques. Pour perpétuer le souvenir de cette conquête, les États firent frapper une médaille, dont une face portait cette inscription : Breda à servi-