Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/113

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dence, caché à tous les yeux, conférant chaque jour avec le prince, en présence de l’ambassadeur de France, De Baugy, et du conseiller pensionnaire de Hollande, Adrien Pauw. Les offres qu’il fit en son nom et en celui du comte de Bergh furent les suivantes : moyennant l’assistance des états généraux et du roi très-chrétien, ils se chargeaient de soulever la plupart des provinces des Pays-Bas contre les Espagnols. Ceux-ci chassés, le Brabant, le Limbourg, la Gueldre, la Flandre, la seigneurie de Malines seraient annexés aux Provinces-Unies, en conservant leur religion et leurs priviléges ; le prince d’Orange serait investi de la dignité de gouverneur, capitaine et amiral général de l’Union ; les états généraux se tiendraient à la Haye ; le conseil d’État serait renforcé de membres à nommer par les nouvelles provinces ; les états généraux contracteraient une alliance étroite et perpétuelle avec le roi très-chrétien contre l’Espagne et la maison d’Autriche. De son côté, la France serait mise en possession du duché de Luxembourg, des comtés d’Artois, de Hainaut, de Namur, des châtellenies de Lille, Douai et Orchies, de Cambrai et du Cambrésis. Les deux chefs de la conspiration, on le pense bien, en disposant ainsi des plus belles provinces de l’Europe, ne négligeaient pas le soin de leurs intérêts. Bergh demandait la charge de maréchal de France, l’ordre du Saint-Esprit, cent mille écus en argent comptant, les deniers nécessaires pour la levée et la solde de deux mille chevaux ; vingt mille philippus de pension, sa vie durant, réversibles, pour la moitié, sur la tête de sa femme ; le gouvernement du Luxembourg ; la vente et dépouille, à son profit, de deux mille bonniers de bois à prendre dans les forêts de la province de Namur ; la jouissance de la moitié des salines de Bourgogne ; la terre de Fleurus, au pays de Namur, et la terre de Nast, au pays de Hainaut, en propre pour lui et les siens. Les exigences de Warfusée n’étaient guère moins grandes que celles de son complice. Les conspirateurs avaient songé aussi au cardinal de Richelieu, dont l’influence toute-puissante pouvait décider du succès de la négociation : ce prince de l’Église aurait eu la terre du Quesnoy avec tous les villages en dépendants et la forêt de Mormal, c’est-à-dire un revenu d’au moins cent mille francs par an ; de plus, il lui aurait été facile de se faire nommer coadjuteur de l’archevêque de Cambrai, prélat qui était avancé en âge, et de devenir ainsi, dans peu de temps, archevêque, duc et prince de Cambrai et de Cambrésis[1].

Ces communications parurent au prince d’Orange et au pensionnaire de Hollande d’une telle gravité qu’ils jugèrent nécessaire que M. De Baugy allât lui-même en rendre compte au cardinal de Richelieu. En attendant que les intentions de la cour de France fussent connues, Frédéric-Henri prit ses mesures pour entrer en campagne, et le pensionnaire de Hollande fit tenir à Warfusée l’argent qu’il avait demandé pour lui et pour le comte De Bergh. Cet argent lui parvint à Venlo, où il s’était arrêté, à son retour de la Haye, afin d’instruire De Bergh des résultats de sa négociation[2].

À la fin de mai, l’armée des Provinces-Unies se trouva toute rassemblée à Nimègue. Suivant ce qui avait été convenu avec les deux comtes, Frédéric-Henri envoya des détachements pour assiéger Venlo, Ruremonde et Straelen, qui capitulèrent presque sans coup férir. De Bergh avait refusé de lui livrer ces places, ne voulant pas donner l’éveil prématurément sur sa connivence avec les ennemis ; mais il les lui livra, en effet, par ses intrigues secrètes et par l’inaction dans laquelle il demeura avec les troupes pla-

  1. Tous ces détails, que les historiens belges et hollandais ont ignorés, sont tirés de pièces officielles conservées aux Archives des affaires étrangères, à Paris.
  2. On lit, dans les lettres d’ajournement et de prise de corps décernées par le grand conseil de Malines contre Warfusée, le 24 novembre 1632 : « Peu après son retour d’Hollande, en ont esté amenés quelques tonnelets pleins d’argent en un bateau conduit par gens de nos ennemis el par un des officiers principaux dudiet comte de Warfusée jusques à Venlo, sans que lediet bateau fût visité par les gens tenant et gardant les passages de nostre part, et ce sous l’autorité d’un acte donné par lediet comte, etc. »