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il n’était pas homme à se laisser conduire, sur son propre vaisseau, comme prisonnier de guerre, dans un port ennemi. Il sut, par un trait inouï d’audace et de bravoure, reprendre non-seulement sa frégate, mais se rendre maître du bâtiment français, qu’il conduisit triomphalement au port d’Ostende. Il prit en outre dix-neuf navires avec l’assistance d’autres convoyeurs.

Dans son second voyage, du 10 septembre 1694 au 10 février 1695, il captura huit navires ; dans son troisième il fit encore une demi-douzaine de prises. Dans le quatrième voyage, du 28 septembre 1695 au 16 février 1696, il captura, entre autres, le Neptune, de Calais, armé de quatre canons et de quatre pierriers. Nous avons le relevé de douze voyages faits ainsi par lui et à la suite desquels il amena chaque fois au port d’Ostende de riches cargaisons enlevées à l’ennemi. Sa dernière croisière, avec la Reine d’Espagne, eut lieu en 1704 ; il sortit le 23 février et ne rentra au port que le 6 mai, ayant capturé divers navires. Après cette dernière expédition il entra au service de la France et prit le commandement de la frégate la Conquérante. Quelques explications sont nécessaires pour faire comprendre ce grave changement.

En 1700 mourut Charles II, roi d’Espagne, dont la succession fut réclamée à titre de parenté par l’empereur Leopold et par Louis XIV. Celui-ci, tout en leurrant l’Angleterre et les Provinces-Unies par un traité de partage, avait su entre temps, par l’entremise du marquis d’Harcourt, son ambassadeur à Madrid, gagner à sa cause les grands d’Espagne et la famille royale ; son plan réussit si bien que le monarque espagnol, par son testament, nomma pour son successeur le duc d’Anjou, petit-fils du roi de France. Dès lors la guerre devait éclater entre les puissances. L’Angleterre et les Provinces-Unies désiraient cependant la paix, et reconnurent d’abord Philippe V comme héritier légitime de Charles II ; mais ils ne tardèrent pas à revenir sur cette détermination, quand ils apprirent que le duc d’Anjou, tout en acceptant le trône d’Espagne, n’avait pas renoncé à ses droits successifs en France. Ces deux puissances comprenaient que pour la France, il n’y aurait plus de Pyrénées, comme l’avait très-bien dit Louis XIV lui-même. L’Allemagne, l’Angleterre et les Provinces-Unies firent donc leurs préparatifs de guerre, afin de chasser leur ennemi commun des Pays-Bas espagnols. Ostende tenait pour Philippe V et se remplit de corsaires. Une flotte, composée de navires Anglais et Hollandais, observait étroitement le port afin d’empêcher toute sortie ; les meilleurs plans étaient combinés. Bestenbustel, commandant la belle frégate la Conquérante, armée de quarante pièces, ne fut pas d’avis de se tenir tranquille, quand il vit une si belle occasion de se distinguer ; aussi, de conserve avec Eblet, autre Ostendais intrépide, commandant l’Aigle, armé de dix pièces de canon, sortit-il à toutes voiles du port, sans s’inquiéter des gros vaisseaux qui voulaient lui disputer le passage, ni de leurs bordées, et il réussit à atteindre l’escadre dunkerquoise du chevalier de Forbin. Non content de cet exploit hardi, Bestenbustel, accompagné de quelques bâtiments de Dunkerque, attaqua, dans la mer du Nord, une flotte marchande, covoyée par cinq vaisseaux de guerre et, après un combat héroïque, ramena dix prises. En voyant un marin si expérimenté, si courageux, la France ne pouvait manquer de tenter des efforts pour l’enrôler dans sa marine, où il s’était déjà si glorieusement distingué.

En 1706, il fut attaché définitivement à l’escadre du chevalier Forbin et y conserva le commandement de sa frégate la Conquérante. Ou ignore les autres exploits qu’il accomplit avant et depuis à bord de ce navire. Nous savons seulement qu’il prit et amena au port d’Ostende, le 6 avril 1705, trois vaisseaux, qu’il fit de même le 15 juillet et le 6 août, ainsi que le 29 mars 1706. On ne sait quand et comment le célèbre marin ostendais mourut.

Il n’eut de sa femme que deux enfants, une fille, Marie-Josine, et un fils, Paul-Guillaume, né à Ostende en 1692, marié en 1740, mort en 1741, sans enfants.