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à la cour du prince Charles de Lorraine, investi alors du gouvernement général des Pays-Bas autrichiens, il plut à ce prince et obtint, en 1775, la clef de chambellan de l’impératrice Marie-Thérèse. Il avait alors vingt-quatre ans. La rectitude de son intelligence et la distinction de sa personne, autant que l’illustration de sa famille, firent du jeune marquis un des ornements de la cour. Bientôt une alliance conclue avec une des lignées les plus éminentes de l’Espagne acheva de le fixer au premier rang. Le 5 mai 1781, il épousa Marie-Léopoldine de Toledo, fille du duc de l’Infantado. C’est à cette occasion que l’empereur Joseph II l’éleva au rang de duc, sous le nom de Beaufort-Spontin, par lettres patentes du 2 décembre 1782.

Dès lors tout sembla sourire au jeune duc. A la jouissance d’une haute position sociale et d’une opulente fortune, était venu se joindre le bonheur domestique ; car il obtint successivement cinq enfants, un fils et quatre filles, de son union avec la duchesse de l’Infantado. Mais les jours d’épreuve allaient venir. On approchait de 1790, et la grande tempête qui allait bouleverser l’Europe s’annonçait. Les provinces belges étaient déjà elles-mêmes tout en feu. Elles avaient balayé le gouvernement autrichien, à l’occasion des réformes que l’empereur Joseph II avait essayé d’y introduire, et deux partis s’y étaient formés, l’un démocratique et constitutionnel, l’autre aristocratique et secondé par le clergé. Le duc de Beaufort-Spontin ne se rallia ni à l’un ni à l’autre, ayant trop de raison pour se rattacher à celui-ci et trop de traditions de famille pour se prononcer en faveur de celui-là. Il se tint donc à l’écart autant que sa position le lui permettait. D’ailleurs, un grave souci de famille avait commencé à le préoccuper, l’état précaire de la santé de sa femme. Puis survint la mort du duc de l’Infantado, événement qui le décida à partir avec toute sa famille pour l’Espagne, où il vécut dans la retraite pendant deux ans à peu près.

Ce temps avait suffi pour replacer la Belgique sous la domination autrichienne. Mais, dès le commencement du règne de Erançois II, le bruit se répandit que la guerre allait éclater entre l’Autriche et la France. C’en fut assez pour décider le duc à retourner dans sa patrie. Il rentra à Bruxelles le 2 mai 1792, mais pour y voir mourir sa femme deux mois après. Si ce deuil de famille fut grand pour lui, il eut bientôt à en porter un autre, celui de notre indépendance menacée par l’invasion française. Tant que dura l’occupation momentanée de nos provinces par les armées de la République, il se borna à conserver une position tout à fait passive. Mais, une fois que la campagne de 1793 eut replacé la Belgique sous l’autorité de l’Autriche, on le vit user de toute l’influence que lui donnaient son nom et sa position pour arrêter ou atténuer la violence des mesures réactionnaires auxquelles les conseillers du pouvoir ne semblaient que trop disposés. Ce rôle honorable, mais souvent difficile, ne put le rebuter, et il ne fit que lui concilier de plus en plus l’estime de l’empereur. Du reste, on sait que, durant la crise financière où se trouvaient nos provinces épuisées par les exactions que les agents de la Convention française y avaient exercées, l’autorité avait fait, en 1793, un appel au patriotisme et au dévouement des Belges pour subvenir aux besoins les plus pressants de l’armée. En cette circonstance, le duc de Beaufort avait donné l’exemple de la générosité en fixant volontairement à 272,000 francs sa cotisation annuelle pour toute la durée de la guerre.

Pour se rapprocher du théâtre des événements, l’empereur François résolut de se rendre lui-même à Bruxelles, où il arriva le 9 avril 1794, et il alla presque aussitôt rejoindre l’armée sur les frontières de la France. Mais la campagne fut courte : elle se termina le 25 mai par la bataille de Fleurus qui décida du sort de la Belgique, désormais incorporée à la France.

Durant le séjour que l’empereur avait fait à Bruxelles, il avait conféré au duc de Beaufort la double dignité de grand maréchal de la cour et deprcsident du tribunal aulique auprès de l’archiduc Charles-Louis investi, en 1793, de la lieutenance du