Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 2.djvu/375

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et son frère le seigneur de Boucle déploraient amèrement l’obstination du gouvernement qui persistait dans le système de terreur par lequel il croyait pouvoir triompher d’une opposition chaque jour plus dangereuse. A Gand, la discorde régnait dans les rangs des prétendus défenseurs de la cause nationale. Les plus fougueux voulaient s’emparer du pouvoir pour l’exploiter à leur profit; Hembyse et Ryhove étaient leurs chefs. Après le coup d’État qu’ils exécutèrent pendant la nuit du 28 au 29 octobre 1577, Gilles Borluut, qui ne partageait cependant pas les idées d’Hembyse, accepta un siége dans le conseil des dix-huit notables, et il faut dire que dans cette position il se montra plein d’énergie et de courage en combattant les projets ambitieux d’Hembyse. La discorde ne tarda pas à se glisser dans cette magistrature improvisée. Désireux d’assouvir ses haines religieuses, aveuglé par le succès, soutenu par les sectaires et une populace toujours prête à lui obéir, Hembyse ne craignit pas de rompre la paix de religion conclue à Anvers le 22 juillet 1578 entre les états généraux, l’archiduc Mathias et le prince d’Orange. Il rencontra, comme il s’y attendait du reste, un adversaire redoutable dans Gilles Borluut, qui osa lui reprocher son manque de foi. « Depuis trop longtemps — s’écria-t-il — vos desseins ont trouvé de l’appui parmi nous. Le moment n’est pas éloigné où vos perfidies seront dévoilées et alors elles recevront le chàtiment qu’elles méritent. » Pour la seconde fois Gilles Borluut prononça des paroles que l’histoire s’est chargée de confirmer. Son énergie encouragea les hommes d’ordre, une ligue se forma contre les factieux excités par les prédications des ministre calvinistes. Ils appelèrent le prince d’Orange. Hembyse n’osant braver l’autorité de celui qui était l’âme et le principal appui de l’opposition contre le gouvernement, se résigna à accepter les conditions qui lui furent imposées, et la paix de religion fut solennellement signée le 16 décembre 1578. Après le départ du Taciturne, les persécutions recommencèrent. Les iconoclastes se répandirent de nouveau dans les églises. Le meurtre et le pillage jetèrent l’épouvante dans la ville entière; mais de l’étendue du péril naquit une réaction qui força les citoyens menacés à se réunir pour opposer une digue aux débordements de la démagogie. Une conspiration se forma, dont Gilles Borluut et son frère le seigneur de Boucle furent les chefs. La guerre civile prit de vastes proportions. — Le 20 juillet 1579, Hembyse fit arrêter Gilles Borluut, le déclara son prisonnier et le fit traîner à l’hôtel de ville. Ce fut en vain que ce courageux citoyen protesta contre la violence qui lui était faite. Il ne recouvra sa liberté que sur les instances du prince d’Orange, qui lui confia une mission auprès des états de Flandre, transférés à Bruges depuis que Gand était au pouvoir des factieux. Malheureusement, Borluut tomba entre les mains des Wallons, qui le firent prisonnier et l’amenèrent d’abord à Valenciennes, puis à Namur où il fut remis aux parents de Frédéric Perrenot, seigneur de Champagny, que les Gantois tenaient étroitement enfermé. Ils le conduisirent au Quesnoy, puis à Saint-Loup, en Bourgogne, où il demeura captif jusqu’en 1584, époque à laquelle il obtint sa liberté par échange contre le seigneur de Champagny, frère du cardinal de Granvelle. L’importance du personnage contre lequel il fut échangé atteste de quelle considération Borluut jouissait, non-seulement parmi les siens, mais encore parmi ses adversaires. Revenu à Gand, il continua à se consacrer au service de sa patrie. Gilles Borluut avait épousé Isabeau Dobbelaer, dite De Waele, et mourut à Gand le 26 juin 1618; sa dépouille mortelle fut inhumée dans la crypte de la cathédrale de Saint-Bavon.

Kervyn de Volkaersbeke.

Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne. — Groen van Prinsterer, Archives de la maison d’Orange-Nassau. — Kervyn de Volkaersbeke et J. Diegerick, Documents historiques et inédits concernant les troubles des Pays-Bas. — Kervyn de Volkaersbeke, Verslag van ’t magistraet van Gent, nopens de godsdienstige beroerten aldaer, 1566 tot 1567. — Id., Les Borluut du XVIe siècle, annales de l’Académie d’archéologie de Belgique, année 1851. — Id., Histoire gén. et héral. de qq. fam. de Flandre. — Id., Mémoires sur les troubles de Gand. 1577 à 1579, par François de Halewyn, seigneur de Zweveghem.