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alors trente-deux ans et se trouvait à Madrid. Comme il éprouvait des scrupules à se faire écolier à cet âge, saint François de Borja, en ce temps marquis de Lombay et son favori, se chargea de recueillir journellement les leçons du fameux cosmographe Santa Cruz, qu’il lui rapportait avec exactitude. Six mois suffirent à l’un et à l’autre pour posséder au moins les éléments de la science[1].

Charles allait atteindre sa quinzième année; à la demande expresse des états généraux, l’empereur résolut de l’émanciper. Cet acte solennel s’accomplit le 5 janvier 1515, au palais de Bruxelles, en présence des représentants de la nation. A partir de ce moment, Charles s’occupe avec assiduité des affaires publiques : Martin du Bellay, qui pouvait le savoir, car il accompagnait les ambassadeurs envoyés aux Pays-Bas par François Ier peu de temps après son avénement, rapporte que « tous les paquets qui venoient de toutes provinces étoient présentez au prince, encores qu’il fust la nuit, » et qu’il en rendait compte lui-même à son conseil, dont il suivait attentivement les discussions. Le poste de chancelier de Bourgogne était vacant depuis plusieurs années; Charles choisit, pour le remplir, Jean le Sauvage, seigneur d’Escaubecque, chancelier de Brabant, ancien président du conseil de Flandre et du conseil privé, auquel il confère le titre de grand chancelier. Il ratifie la donation du comté de Bourgogne faite par l’empereur, en 1509, à l’archiduchesse Marguerite. Il envoie à Paris le comte Henri de Nassau, avec la mission de le représenter, comme duc de Bourgogne et doyen des pairs de France, au sacre de François Ier, et de rendre, en son nom, à cause des comtés de Flandre et d’Artois, foi et hommage à ce monarque. Il visite, pour y être inauguré, à l’exemple de ses prédécesseurs, les différentes provinces des Pays-Bas; partout il est reçu avec enthousiasme. Le comte de Nassau avait été accompagné en France d’une ambassade nombreuse chargée de négocier le mariage de l’archiduc avec la princesse Renée, belle-sœur de François Ier, âgée alors de six ans : les démarches des ambassadeurs sont couronnées d’un plein succès; par un traité signé à Paris (24 mars 1515), la princesse est promise à Charles avec une dot de 600,000 écus, et une alliance offensive et défensive est stipulée entre les deux couronnes. Un peu plus tard (24 janvier 1516), des traités signés à Bruges confirment ceux que Philippe le Beau avait conclus avec Henri VII. Ces conventions diplomatiques assuraient la tranquillité des Pays-Bas; aussi y sont-elles accueillies avec une satisfaction universelle. Un autre acte contribue à jeter de l’éclat sur le nouveau règne : au moyen d’un arrangement fait avec Georges de Saxe, Charles annexe à ses États la Frise occidentale (19 mai 1515).

Le 23 janvier 1516, Ferdinand le Catholique meurt à Madrigalejo dans l’Estrémadure. Par son testament daté de la veille, il instituait la reine Jeanne, sa fille, et l’archiduc Charles, son petit-fils, ses successeurs au royaume de Navarre; il déclarait la reine son héritière universelle des royaumes dépendants de la couronne d’Aragon; vu l’infirmité mentale de Jeanne, il commettait le gouvernement général de ces royaumes à l’archiduc, qui l’exercerait au nom de sa mère, et, en attendant la venue de ce prince en Espagne, il chargeait de les régir don Alonso d’Aragon, archevêque de Saragosse et de Valence, son fils naturel; il disposait enfin que Charles gouvernerait la Castille pour sa mère comme lui-même il l’avait gouvernée, et que, jusqu’à ce qu’il y vînt, le gouvernement en serait exercé, sous lui, par le cardinal Ximenes de Cisneros. Charles, quelques semaines avant la mort du roi, lui avait envoyé son ancien précepteur, le doyen de Louvain, qui était revêtu des pouvoirs nécessaires pour le représenter en Castille le jour où Ferdinand viendrait à manquer : il n’hésite pas toutefois à confirmer la désignation de Ximenes pour gouverner ce royaume; seulement il lui adjoint Adrien, en donnant un pouvoir égal à l’un et à l’autre. Aux termes des constitutions espagnoles, Charles n’était que prince de Castille et

  1. Cienfuegos, La heroyca vida, virtudes y milagros del grande S. Franciso de Borja, p. 58.