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la garde de son fils et des princesses ses sœurs, Éléonore et Isabelle, à Anne de Bourgogne, dame douairière de Ravestain. Lorsqu’en 1506 il retourna dans la Péninsule, où il était appelé à recueillir la succession de la reine Isabelle, il nomma gouverneur et premier chambellan du duc de Luxembourg le prince de Chimay, et ordonna que, pendant son absence, Charles et ses autres enfants résideraient à Malines, où ils avaient été élevés jusque là.

A la nouvelle de la mort inopinée du roi de Castille, arrivée à Burgos le 25 septembre 1506, les états généraux furent convoqués à Malines ; Charles parut à cette assemblée, entouré des princes du sang, des chevaliers de la Toison d’or et des seigneurs du conseil (17 octobre). Le 18 et le 19 juillet de l’année suivante, il présida, en grand deuil, aux obsèques de son père, qui furent célébrées dans la même ville, en l’église de Saint-Rombaut. Après la messe achevée, le 19, le principal roi d’armes des Pays-Bas, Toison d’or, cria par trois fois : Le roi est mort, vive Monseigneur ! Alors on présenta à Charles l’épée de justice ; il s’en servit pour créer un chevalier, montrant par là qu’il était prince du pays. Les états généraux avaient offert à l’empereur la régence des Pays-Bas et la tutelle des enfants du roi défunt ; Maximilien avait nommé, pour exercer l’une et l’autre en son nom, Marguerite d’Autriche, et l’archiduchesse avait été reconnue en cette double qualité par les représentants de la nation, à Louvain, au mois d’avril précédent. Le 20 juillet, elle fit aux états la demande d’un subside dont le chancelier de Brabant et elle-même s’attachèrent à montrer la nécessité. Charles était présent : il se leva et pria l’assemblée d’accorder le subside qui lui était demandé, par une petite harangue « plus, entendue — dit le chroniqueur Jean Lemaire de Belges — par les gestes de son visage que par la sonorité de sa voix puérille, mais toutesvoyes en telle sorte qu’il devoit bien souffire au peuple. »

Au mois de mai 1509, le prince de Chimay résigna la charge de gouverneur et premier chambellan de archiduc à Guillaume de Croy, seigneur de Chièvres, son cousin. Charles était parvenu à l’âge où les inclinations de l’esprit et du cœur commencent à se manifester, où il importe qu’elles soient bien dirigées : le seigneur de Chièvres s’appliqua à développer son intelligence, à faire naître en lui, avec le goût des choses sérieuses, des sentiments et des principes conformes à sa naissance et au rôle qu’il était appelé à jouer sur la scène du monde. Les premières leçons de lecture et d’écriture lui avaient été données par don Juan de Vera, évêque de Léon, son grand chapelain[1]. En 1505, Ferdinand le Catholique ayant désiré que ce prélat revînt à sa cour, Philippe le Beau nomma maître d’école du duc de Luxembourg Louis Vacca, qui pendant six années fut son unique précepteur. Ce temps écoulé, il parut nécessaire de confier la direction des études du jeune prince à un personnage plus considérable par sa science ainsi que par son rang, et Marguerite d’Autriche, d’accord avec le seigneur de Chièvres, fit choix d’Adrien d’Utrecht, doyen de Louvain. Charles ne montrait pas de grandes dispositions pour les lettres : le latin le rebutait ; jamais il ne parvint à parler l’allemand ; il savait dire à peine quelques mots d’espagnol lorsqu’il partit pour la Castille, et n’était pas plus fort sur l’italien : on doute s’il connaissait même sa langue maternelle, le flamand, qu’il ne commença à apprendre qu’en 1513, sur l’ordre de l’empereur son aïeul. Les armes, équitation, la chasse, c’était là les goûts favoris de Charles. Il se livrait avec ardeur aux exercices qui donnent au corps de la vigueur et de l’agilité ; il mettait son plaisir et son amour propre à manier avec dextérité la lance et l’épée, à se servir avec adresse de l’arc, de l’arbalète, de l’arquebuse. Il fut proclamé roi des couleuvriniers de Malines en 1508, des arbalétriers de Bruxelles en 1512, des archers de Malines en 1514. Plus tard, il sentit la nécessité d’étudier les mathématiques, sans la connaissance desquelles il jugea qu’il ne deviendrait pas, comme il aspirait à l’être, un grand capitaine ; il avait

  1. Colecc. de documentos inéditos para la historia de Espana, t. VIII, p. 297,