Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/294

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vées par les rois, les princes et les capitaines, il leur fût donné accès et bon traitement en ses pays, en attendant sa réponse aux défis dont ils étaient porteurs, ainsi que les moyens de retourner sûrement auprès de leurs maîtres. L’empereur répondit : « Dites ce que les rois vos maîtres vous ont donné en charge; vos priviléges vous seront gardés, et l’on ne vous fera nul déplaisir en mes royaumes. » Alors Guyenne et Clarenceaux, le premier en lisant un papier qu’il tenait à la main, le second de vive voix, exposèrent les raisons qui déterminaient leurs souverains à lui déclarer la guerre. La détention du pape était une des principales : les ambassadeurs d’Angleterre et de France savaient bien, quand ils s’étaient décidés à faire présenter ces défis, que le pape avait été mis en liberté, mais ils se flattaient que l’empereur n’en aurait pas encore connaissance, et justement, la veille, la nouvelle lui en était parvenue.

Charles-Quint trouva étrange le défi du roi de France, qui lui faisait la guerre depuis six ou sept ans; il aurait pu se refuser à accepter ce défi, venant de quelqu’un qui était son prisonnier de guerre et lui avait donné sa foi. C’est ce qu’il déclara à Guyenne, ajoutant que personne n’avait eu plus de regret que lui de la détention du pape; qu’elle avait eu lieu sans son su ni commandement; que ce qui s’était fait l’avait été par des gens désordonnés et qui n’obéissaient à aucun de leurs capitaines. Quant au dauphin et au duc d’Orléans, dont Guyenne parlait aussi dans son écrit, il dit qu’il n’avait pas tenu à lui qu’ils ne fussent libres. Clarenceaux avait avancé, entre autres choses, que le roi d’Angleterre, de concert avec le roi très-chrétien et leurs confédérés, était résolu à le contraindre, par force et puissance d’armes, à rendre les enfants de France; il lui répondit qu’il les eût rendus déjà, si on lui avait proposé des conditions raisonnables : « mais, à cette heure, poursuivit-il, que vous me dites que le roi votre maître me forcera à les rendre, j’y répondrai d’autre sorte que jusqu’ici je n’ai fait, et espère les garder de sorte que par force je ne les rendrai point : car je n’ai point accoutumé d’être forcé ès choses que je fais. » Il leur annonça à l’un et à l’autre qu’il ferait à leurs défis des réponses plus péremptoires[1]. Au moment où ils allaient se retirer, il appela Guyenne et lui adressa ces paroles : « Dites au roi votre maître que je crois qu’il n’a été averti d’aucunes choses que je dis en Grenade à son ambassadeur, le président de Bordeaux, lesquelles le touchent fort, et que le tiens en ce cas si gentil prince que, s’il les eût sues, il m’eût répondu : il fera bien de les savoir de son ambassadeur, car par ce il connaîtra que je lui ai mieux tenu ce que je lui promis à Madrid que lui à moi; et je vous prie que le dites ainsi au roi, et gardez bien d’y faillir. » Guyenne promit de le faire sans point de faute.

François Ier avait-il ignoré jusque-là les choses dites, à Grenade, par Charles-Quint à son ambassadeur? Il est assez difficile de le croire : quelque blessantes qu’elles fussent pour lui, le président de Calvymont pouvait-il, sans manquer à son devoir, se dispenser de les lui faire connaître, ou tout au moins de les transmettre à son chancelier[2]? Quoi qu’il en soit, dans l’audience publique de congé que le roi donna, le 28 mars, à Nicolas Perrenot, seigneur de Granvelle, ambassadeur de l’empereur, il déclara que son ambassadeur l’avait averti de beaucoup de propos, mais d’aucuns qui touchassent son honneur; que s’il avait connu alors les paroles injurieuses dont il avait été informé en dernier lieu, il n’aurait pas tant tardé à y répondre. Il venait de faire lire, en présence des prin-

  1. Ces réponses furent lues et délivrées aux deux rois d’armes, le 27 janvier, par le secrétaire d’État Jean Lallemand.
  2. On lit, à la vérité, dans une lettre que le président Calvymont écrivit, le 18 février 1528 de Poza, où il était détenu, au chancelier Duprat, qu’à la suite de la scène de Grenade, il s’était borné à lui faire connaître une partie des paroles rigoureuses dites par l’empereur, et cela afin de ne pas fermer toute voie à l’établissement de la concorde entre les deux souverains. Mais une circonstance affaiblit beaucoup l’argument qu’on peut tirer de cette lettre : c’est qu’elle devait passer sous les yeux de l’empereur