Page:Biographie nationale de Belgique - Tome 3.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une rente annuelle de cinquante mille florins de Rhin, en garantie de laquelle plusieurs seigneuries, châteaux, villes et places leur seraient laissés; il prenait de plus à sa charge, jusqu’à concurrence de cent mille florins, le payement des dettes que Jean-Frédéric avait contractées « devant le commencement de la ligue de Smalkalde. » Moyennant ce que dessus, l’empereur « se contentait de commuer la peine de mort que le ci-devant électeur avait méritée par sa rébellion, à demeurer en la cour de Sa Majesté ou en celle de monseigneur le prince son fils en Espagne, au choix de Sadite Majesté, et pour tel temps qu’il plairait à icelle, et jusqu’à ce qu’elle ordonnât autre chose, obligeant pour ce sa foi; et serait sous garde[1]. »

Ce traité fut notifié le 19 à la duchesse Sibylle, femme de Jean-Frédéric, à son frère Jean-Ernest, à Jean-Frédéric, son troisième fils[2] et à ceux qui commandaient pour lui dans Wittenberg. Cette place était très-forte, bien pourvue d’artillerie et de munitions de guerre et défendue par une garnison de trois mille hommes; jusqu’alors Charles, qui espérait l’avoir par composition, n’avait pris aucune mesure pour l’assiéger dans les règles. Les conditions de l’accord furent trouvées extrêmement dures par la famille du prisonnier et par ses serviteurs; néanmoins son frère et son fils vinrent le même jour au camp impérial y apposer leurs signatures[3], et il fut convenu que Wittenberg serait rendu le 23. Ce jour-là, en effet, la garnison en sortit; elle fut remplacée par quatre enseignes d’Allemands sous les ordres du colonel Madrutz. La duchesse Sibylle ayant, le lendemain, demandé à l’empereur la permission de voir son mari, l’électeur de Brandebourg et les deux archiducs, Maximilien et Ferdinand, allèrent au-devant d’elle; elle était accompagnée de son beau-frère, de la femme de celui-ci, sœur du duc Ernest de Brunswick, de son fils et d’une suite nombreuse de dames et de demoiselles toutes en deuil. Parvenue à la tente de l’empereur, où étaient le roi des Romains, le duc Maurice, le duc de Camerino, le duc d’Albe et beaucoup d’autres princes et seigneurs, elle se jeta à ses pieds; Charles, lui ayant tendu la main, la fit relever par son frère. Alors un de ses conseillers représenta à l’empereur qu’elle se résignait à ce que son mari demeurât prisonnier où et autant de temps qu’il lui plairait de l’ordonner, mais qu’elle le suppliait de ne pas le faire mener hors d’Allemagne : Charles lui fit faire une réponse courtoise, sans s’engager toutefois à rien. Elle se jeta de nouveau à ses genoux en implorant sa pitié pour elle et pour ses enfants; il la fit relever comme la première fois et la consola de son mieux[4]. Le duc d’Albe la conduisit auprès de son mari, avec qui elle resta une demi-heure seulement; elle retourna ensuite à Wittenberg. Le 25 Charles alla lui rendre visite, et le lendemain Jean-Frédéric fut amené au château, où elle résidait, sous la garde de cinq cents arquebusiers espagnols que commandait Alonso Vives, afin de passer quelques jours avec elle et de régler ensemble leurs affaires de famille[5]. Il fut ramené au camp de l’empereur le 3 juin.

On a vu que, dès le mois de novembre, le landgrave avait tenté d’entrer en arrangement avec l’empereur. Il avait depuis, par l’intermédiaire du duc Maurice, renouvelé à diverses reprises cette tentative; à Héilbronn, à Ulm, à Nördlingen, Charles avait reçu des messagers de Maurice qui le suppliaient de prêter l’oreille aux ouvertures de son beau-père : celui-ci allait jusqu’à offrir de donner des troupes pour combattre le duc de Saxe, son allié. Mais Charles était bien décidé à n’entendre à aucun accommodement si Philippe de Hesse ne se rendait à sa volonté, et cette condition le chef de la ligue de Smalkalde avait dit constamment qu’il ne s’y soumettrait jamais. Après la défaite et la prise de Jean-Frédéric, le landgrave eut une conférence, à

  1. Archives impériales, à Vienne.
  2. Le fils aîné de l’électeur, qui avait été blessé à la bataille de Mühlberg, s’était sauvé à Gotha.
  3. Journal de Vandenesse.
  4. Journal de Vandenesse. — D’Avila, fol. 72 v°. — Sleidan, t. II. p. 418.
  5. Journal de Vaudenesse.